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Suport technique et veille technologique

Aujourd’hui, les grandes entreprises et administrations publiques hésitent entre continuer à utiliser des logiciels propriétaires ou basculer vers les Logiciels Libres. Pourtant, la plupart des logiciels libres sont capables de bien traiter les données issues des logiciels propriétaire, et parfois avec une meilleur compatibilité.

C’est alors la barrière de la prise en main qui fait peur, et pourtant...

Les logiciels libres

L’aspect « Logiciel Libre » permet une évolution rapide et une plus grande participation des utilisateurs. Les aides et tutoriels foisonnent sur Internet ou sont directement inclus dans le logiciel lui-même.

Enfin, les concepteurs sont plus proches des utilisateurs, ce qui rend les logiciels libres plus agréable à utiliser et conviviaux.

Grâce à la disponibilité des logiciels libres, vous trouverez facilement des services de support techniques et la licence n’est plus un frein à l’utilisation de ces logiciels par votre personnel.

Notre support technique concerne essentiellement les logiciels libres, que ce soit sous forme de services ponctuels ou de tutoriels.

DLFP - Dépêches  -  Comment écrit-on les systèmes d’écriture aujourd’hui ?

 -  Novembre 2023 - 

Pour cette nouvelle excursion dans le temps et l’espace, le chemin de fer Transimpressux vous amènera dans l’Égypte antique, en Algérie et en Afrique de l’Ouest. On fera aussi un tour par la Chine (forcément). On achèvera notre parcours dans l’Angleterre contemporaine. On y parlera d’écriture (comment ça, encore ?), des plus anciennes comme des plus récentes, un peu de bricolage, et, bien évidemment, de formats et d’Unicode. On verra aussi que, grotesque, ce n’est pas ce que vous croyez.

Maintenant que vous êtes bien installé, le voyage peut commencer.
Le Transimpressux

Sommaire

Préambule

On a vu que les enjeux des écritures ainsi que ceux des typographies étaient multiples. Il en va de même pour les systèmes d’écriture et leur codage Unicode. Concernant les systèmes d’écriture, petite précaution d’usage, il s’agit de présentation succincte de quelqu’un qui ne pratique que l’alphabet latin. J’espère toutefois que la concision n’a pas été source de contresens.

Et, comme il sera question de périodes très éloignées dans le temps, celles antérieures à notre ère seront indiquées sous la forme AEC (avant l’ère commune). Par ailleurs, j’emploie indifféremment les termes de « police », « typographie » ou « fonte ».

Les systèmes d’écriture

On pourrait définir un système d’écriture comme la façon avec laquelle s’écrit la langue. Il existe plus d’une classification de ces systèmes. En voici une :

  • les systèmes picturaux (idéo-syllabiques) comme les hiéroglyphes, les idéogrammes chinois (sinogrammes) ou encore le cunéiforme,
  • les systèmes syllabaires ou alpha-syllabaires dans lesquels on a un signe par syllabe, la langue vaï par exemple ou le Devanagari qui est le système d’écriture majoritaire en Inde,
  • les systèmes alphabétiques, l’alphabet latin évidement, mais aussi, entre autres, le tifinagh (ou tifinaghe ou tifinay) ou encore le braille, dont il faut combiner les signes pour avoir des syllabes et des mots, même s’il peut exister des mots d’une lettre,
  • et enfin l’écriture de la langue des signes, un système pictural en mouvement.

Sachant que tout n’est pas aussi linéaire que dans cette classification. Les exemples qu’on trouvera ci-dessous sont choisis presque, mais pas tout à fait, arbitrairement. Ils ont tous une histoire particulière et ont tous au moins un groupe Unicode.

Les hiéroglyphes égyptiens

Il est difficile de parler d’écriture idéo-syllabique sans évoquer l’une des plus emblématiques et, probablement, la plus connue des écritures antiques.

Les hiéroglyphes égyptiens se lisent (et donc s’écrivent) dans tous les sens.

Contrairement à ce qu’on pourrait être amené à penser, ce qui était, notamment, le cas à l’époque de Champollion, l’écriture égyptienne ne repose pas que sur des signes idéographiques. Il s’agit en fait d’une combinaison de plusieurs types de signes. Les signes idéographiques : une notion ‒ un signe, des signes phonétiques et des signes « déterminatifs » qui ne se lisent pas mais précisent le sens des glyphes qu’ils accompagnent. De fait, le sens d’un hiéroglyphe peut changer en fonction de ce qui l’entoure. Champollion écrivait, dans l’introduction de son Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens :

L’écriture phonétique dont, le premier, je publiais l’alphabet appuyé sur de très nombreuses applications ; se découvrait déjà à mes yeux sous son véritable jour, c’est-à-dire, comme partie essentielle, nécessaire et inséparable de l’écriture hiéroglyphique en un mot, comme l’âme même de ce dernier système.

Hiéroglyphes
Horus, fils d’Osiris, né d’Isis (planche X, ligne 1 du Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens de Champollion).

Dans la table des caractères Unicode, les hiéroglyphes égyptiens (il y en a d’autres) occupent les séries U+13000 à U01342F. Le standard pour ces signes a été validé en 2009. Il reposait sur la liste de l’égyptologue anglais Alan Gardiner. Un nombre considéré comme très insuffisant par des égyptologues car ne considérant qu’une liste réduite de signes et en l’absence d’un réel inventaire du nombre de hiéroglyphes connus. Le bloc Unicode Hiéroglyphes égyptiens en compte aujourd’hui 1654.

Il a été reproché à Unicode, une fois de plus, sa méthodologie et de n’avoir pas assez consulté les spécialistes, ici les égyptologues, pour la validation de cette liste. Pour compenser le faible nombre de hiéroglyphes acceptés, une initiative comme le projet Rosette (qui semble en sommeil) s’est lancé dans la création d’un catalogue de plus de 3000 hiéroglyphes pouvant être intégrés dans la zone privée d’Unicode. Cette zone permet d’ajouter ses propres caractères à l’index Unicode du point de code U+F0000 à U+FFFFF sans, pour autant, imposer un usage strictement privé des glyphes.

Les sinogrammes

L’écriture chinoise a été utilisée aussi bien en Chine qu’au Japon ou en Corée. Ce faisant, même si la langue et la prononciation différaient, le texte restait compris entre les diverses populations. Les sinogrammes ont fait l’objet d’une première normalisation sous l’égide de l’empereur Qin Shi Huang (259 ‒ 210 AEC). Il fit publier un manuel de trois mille signes qui devaient obligatoirement être utilisés par tous les scribes et les lettrés, le Xiǎozhuàn (petit sigillaire ou petit sceau). Le parti pris de cette standardisation avait consisté en la simplification des formes sinueuses et la normalisation de l’épaisseur des traits (le pinceau était l’outil d’écriture).

La réforme aboutit à une écriture d’un style très unitaire et d’une grande lisibilité (Claude Mediavilla, L’ABCdaire de la calligraphie chinoise).

Les sinogrammes comportent deux types de signes : les « radicaux » ou « clés » qui sont des symboles représentatifs, il en existe 214, et des phonogrammes.

Article 3 droits humains

Article 3 de la Déclaration universelle des droits humains en chinois simplifié. Texte de la citation en français : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Aujourd’hui, il existe plusieurs « familles » de sinogrammes. La plus grosse partie, 20 992 caractères, figure dans le bloc Unicode Idéogrammes unifiés CJC. CJC (ou CJK en anglais) pour Chinois, Japonais et Coréen, intervalle U+4E00 ― U+9FFF.

Outre ce bloc, il y a aussi notamment : les clés chinoises K’ang-hsi (U+2F00 ― U+2FD5), les chiffres-bâtonnets chinois (U+1D360 ― U+1D378), les symboles et ponctuations CJC (U+3000 ―U+303F), les suppléments A, B, C, D et E aux idéogrammes unifiés CJC, les hexagrammes du Classique des mutations ou Yi-king, etc. incluant les tuiles de majong. On retrouve, évidemment, les syllabaires japonais : les clés Katakana et Hiragana.

Les alphabets syllabaires : l’exemple de l’alphabet Vaï

Le peuple Vaï, une composante des Mandingues, fait partie des rares populations de l’Afrique sub-saharienne à avoir une écriture qui lui est propre. On retrouve les Vaï principalement au Libéria et en Sierra-Leone. En 1899 l’ethnologue et linguiste Maurice Delafosse, affirmait qu’il s’agissait du seul alphabet connu ayant été inventé par un peuple d’Afrique subsaharienne. Ce qui est plutôt faux. En effet, au Mali, les Bambara-Masasi du Kaarta ont aussi inventé une écriture syllabique, le « Masaba » vers 1830.

L’alphabet vaï et le Masaba :

possèdent des ressemblances générales et semblent procéder, […], d’une évolution de la tradition symbolique mandingue. Néanmoins la question reste posée de savoir si, antérieurement à ces deux écritures, il n’a pas existé dans le monde mandingue d’autres système syllabiques plus anciens. (Gérard Galtier, Un exemple d’écriture traditionnelle mandingue : le « masaba » des Bambara-Masasi du Mali).

L’alphabet vaï peut être utilisé pour écrire :

non seulement dans la langue vaï, mais aussi dans les divers dialectes de la famille mandé et même dans un grand nombre d’autres langues, bien qu’en fait cet alphabet ne soit usité que chez les Vaï et seulement pour la transcription de leur propre langue (Maurice Delafosse).

Écriture vaï
Spécimen d’écriture vaï tirée du livre de Delafosse : les dix premiers nombres et la signature de l’écrivain Ghaï-sama Sando.

Il comptait, en 1899, 226 caractères d’usage courant et aurait été créé entre 1829 et 1839 par huit Vaï (ou par un seul selon d’autres versions). Dans son étude : Les Vaï, leur langue et leur système d’écriture, Maurice Delafosse pense qu’il est, en fait, plus ancien et qu’il pourrait remonter à deux siècles. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, il a son propre groupe Unicode de U+A500 à U+A62B.

Le tifinagh : une composante de l’identité berbère

L’alpahabet tifinag (ou tifinaghe, ou tifinay ou encore alphabet lybique) remonte à l’Antiquité. Il aurait pu être créé entre le VIe et le Ve siècle AEC ou même avant. Il comporte trente-trois caractères.

Tifinagh et arabe
Bâtiment municipal algérois avec les inscriptions en caractères arabes en haut et tifinagh en bas (photo Éric Dérian).

L’une des langues officielles du Maroc est l’amazighe, une langue berbère utilisant l’alphabet tifinagh et enseignée dans les écoles. Le pouvoir marocain, dans le cadre de la promotion de cette langue, a travaillé au portage du tifinag en Unicode. Le bloc Unicode tifinagh contient cinquante-cinq glyphes dans l’intervalle U+2D30 à U+2D70. Cette mission a été confiée au Centre des Études Informatiques, des Systèmes d’Information et de Communication marocain qui a également développé, pour Windows et MacOS uniquement, des pilotes de claviers ainsi que des polices. La disposition de clavier tifinagh figure dans Windows depuis Windows 10. Avec Linux, on la trouve dans la catégorie Berbère. Selon les distributions (ou les environnements de bureau) on peut avoir un choix de dispositions entre les variantes Algérie et Maroc, ou pas.

Le braille

L’écriture braille, du nom de son inventeur, Louis Braille, voit définitivement le jour en 1837. C’est une écriture orthographique sur des cellules de six points ce qui donne soixante-trois combinaisons possibles. Il existe aussi un système braille sur huit points. L’écriture braille est universelle et est utilisée dans le monde entier : il a obtenu une reconnaissance officielle au niveau mondial dès 1878. Les plus rapides à l’adopter officiellement pour l’enseignement dans les instituts pour aveugles ont été les Belges. Les États-Unis, n’ont condescendu à l’accepter qu’en 1917 comme système unique d’écriture pour les personnes souffrant de forts déficits visuels. Il a été uniformisé en 1958.

Écrire en braille, ce n’est pas transcrire littéralement les caractères du texte en autant de lettres braille mais avec d’autres outils d’écriture, notamment, une machine à écrire spécifique, les machines Perkins, des bloc-note ou des plages braille. L’association Valentin Hauy estime qu’il faut deux ans pour le lire et l’écrire correctement en version abrégée (mode d’écriture ordinaire). L’équipement informatique pour le braille s’avère onéreux : de l’ordre de 270 € pour des claviers pour tablette et ordiphone, et à partir d’environ 1 500 € pour une plage braille. Ces dernières sont des outils de saisie et de lecture connectés aux ordinateurs.

Ci-dessous, deux versions de l’article 1 de la Déclaration universelle des droits humains en braille : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

En version non abrégée (quarante caractères par ligne, avec coupure de mots) :

⠀⠀⠨⠞⠕⠥⠎⠀⠇⠑⠎⠀⠣⠞⠗⠑⠎⠀⠓⠥⠍⠁⠊⠝⠎⠀⠝⠁⠊⠎⠎⠑⠝⠞
⠇⠊⠃⠗⠑⠎⠀⠑⠞⠀⠿⠛⠁⠥⠭⠀⠑⠝⠀⠙⠊⠛⠝⠊⠞⠿⠀⠑⠞⠀⠑⠝⠀⠙⠗⠕⠊⠞⠎⠲
⠨⠊⠇⠎⠀⠎⠕⠝⠞⠀⠙⠕⠥⠿⠎⠀⠙⠑⠀⠗⠁⠊⠎⠕⠝⠀⠑⠞⠀⠙⠑
⠉⠕⠝⠎⠉⠊⠑⠝⠉⠑⠀⠑⠞⠀⠙⠕⠊⠧⠑⠝⠞⠀⠁⠛⠊⠗⠀⠇⠑⠎⠀⠥⠝⠎⠀⠑⠝⠤
⠧⠑⠗⠎⠀⠇⠑⠎⠀⠁⠥⠞⠗⠑⠎⠀⠙⠁⠝⠎⠀⠥⠝⠀⠑⠎⠏⠗⠊⠞⠀⠙⠑⠀⠋⠗⠁⠤
⠞⠑⠗⠝⠊⠞⠿⠲

Et en braille abrégé :

⠀⠀⠨⠺⠀⠜⠀⠣⠴⠎⠀⠓⠍⠔⠎⠀⠝⠌⠮⠣⠀⠇⠃⠎⠀⠾⠀⠿⠛⠭⠀⠢⠀⠙⠶⠞⠀⠾⠀⠢
⠹⠾⠞⠎⠲⠀⠨⠊⠎⠀⠪⠞⠀⠙⠳⠿⠎⠀⠙⠀⠗⠬⠀⠾⠀⠙⠀⠒⠎⠉⠀⠾⠀⠙⠾⠧⠣

Le braille fait son entrée dans Unicode en 1999 dans le groupe Combinaisons braille. Il occupe l’intervalle U+2800 ― U+28FF.

L’écriture des signes

La langue des signes, qui est celle des personnes sourdes, est une langue à part entière. Elle n’a été, pendant longtemps, qu’une langue orale (non-écrite). Un état de fait préjudiciable puisque, pour apprendre à lire, les personnes sourdes doivent apprendre une langue étrangère. Qui plus est, comme on a pu le voir avec les autres exemples de systèmes d’écriture, des langues qui relient l’écrit à un oral qui leur est inaccessible. Pour certaines personnes sourdes, c’est un exercice très difficile, voire, impossible.

La danseuse canadienne passionnée de langue, Valérie Sutton a développé en 1974 le système d’écriture SignWriting (en). Il n’y a rien d’étonnant à ce que ce soit une danseuse qui se penche sur le sujet. En effet, la langue des signes est une langue de mouvement et, dans le milieu de la danse, la question de conserver et de reproduire une chorégraphie est une question qui se pose. Valérie Sutton avait, d’ailleurs, créé auparavant un système d’écriture de la danse, DanceWriting (en), d’abord pour son propre usage.

SignWriting est un système d’écriture visuel qui permet de lire d’écrire et de dactylographier (taper à la machine) n’importe quelle langue des signes du monde. SignWriting utilise des symboles visuels pour représenter les configurations, les mouvements et les expressions faciales de toutes les langues des signes. (Valérie Sutton).

SignWriting
Article 1 de la Déclaration universelle des droits humains en langue des signes anglaise : « All human beings are born free and equal in dignity and rights. They are endowed with reason and conscience and should act towards one another in a spirit of brotherhood. ». Cet exemple provient du site SignWriting.

La langue des signes est, si on peut dire, une langue à quatre dimensions : le geste lui-même et le mouvement (trois dimensions) auxquels s’ajoutent les modes, expressif ou réceptif. Quand on parle en langue des signes on ne voit pas ce que l’on dit du même point de vue que les personnes avec lesquelles on parle. Quand on fait le geste « V », par exemple, on voit le dos de sa main et pas les doigts pliés, en face et, forcément, en mode réceptif, on voit la paume avec les doigts pliés. Le système d’écriture SignWriting, peut s’écrire dans les deux modes. Par convention il s’enseigne dans le mode expressif.

SignWriting a été adopté dans une quarantaine de pays et est utilisé dans l’enseignement au Brésil et aux États-Unis notamment. Pour autant que je sache, il n’est pas enseigné en France qui l’a pourtant adopté, sauf, peut-être, à l’Institut de Recherche et d’Innovation en Langue des Signes (Iris-lsf) à Toulouse. Il n’y a pas, non plus, d’outils d’écriture autre que SignMaker qui est un outil qui fonctionne sur une interface web.

Le bloc Écriture des signes selon Sutton occupe l’intervalle Unicode : U+1D800 ― U+4DAAF.

Les formats de police

Il y a les formats pour le web, les formats « pour tout ». À cela se greffent les fonctions des polices dites intelligentes (on met de l’intelligent un peu partout). Tâchons d’y voir un peu plus clair. Ce chapitre ne prétend pas à l’exhaustivité, toutefois.

Les divers formats actuels

Les deux plus courants, et interopérables, sont les formats TrueType Fonts et, plus récent, OpenType. Il existe aussi, spécifiquement pour le web, les formats WOFF (Web Open Font Format, initiative de Mozilla) et SVG OpenType. Le format Type 1 d’Adobe (les polices PostScript) n’est plus utilisé ni, d’ailleurs, pris en charge par les logiciels Adobe depuis janvier 2023. Le format EOT (Embedded OpenType) de Microsoft, n’est plus guère utilisé que dans Internet Explorer.

TrueType, le résultat d’un combat de titans

Le format de police TrueType (TTF) a été développé à partir de la fin des années 1980 par Apple et Microsoft pour lutter contre l’hégémonie du format PostScript d’Adobe, s’éviter de payer des millions de dollars de redevance à la firme et pouvoir garder un contrôle total sur leurs systèmes d’exploitation. Apple et Microsoft avaient, pour ce faire, conclu un accord : à Microsoft la tâche de développer un moteur graphique de style PostScript, à Apple la charge de concevoir un système de polices meilleur qu’Adobe. Le résultat en fut le format TrueType d’Apple qui sera lancé en 1991 par Apple et intégré à Windows 3.1 en 1992.

Les spécifications du format ont été publiées très vite, avec comme résultat une création d’un très grand nombre de typographies de qualités très inégales. Et, au début de son existence, ce format était mal apprécié du milieu professionnel (graphisme, typographie, édition).

OpenType, le début de l’intelligence en matière de police

Le format OpenType (OTF) a été développé par Adobe et Microsoft comme une extension du format TrueType. La version 1.0 est sortie en 1997. La dernière, numérotée 1.9, date d’avril 2022. La version 1.4 a servi de base à la norme ISO/IEC 14496-22 « Open Font Format » publiée en 2007.

Dès le départ, le format OpenType a été conçu pour être plus efficace (et détrôner ?) les anciennes technologies de conception de police (comme celles d’Adobe) avec :

  • une limite de glyphes plus grands (64 ko),
  • l’interopérabilité, Windows et Mac,
  • la prise en charge de PostScript Type 1 et TrueType,
  • des fonctionnalités typographiques avancées.

WOFF : un format du panda roux

Le format WOFF pour Web Open Font Format est développé conjointement par Mozilla ainsi, notamment, que les fonderies Type Supply (en) et LettError (en). La première version sort en 2009.

Développé pour les sites web, c’est, grosso modo, un format compressé des polices aux formats TrueType et OpenType. S’y ajoutent, toutefois, des métadonnées et une zone de données à usage privé incluant des champs prédéfinis. Il est ainsi possible aux fonderies d’ajouter des informations de type « licence ».

La norme WOFF 1.0 est acceptée par le W3C en 2010. La norme WOFF 2.0 sort en 2013 avec un nouvel algorithme de compression et une compatibilité avec les polices SVG OpenType.

Pour profiter des fonctionnalités des polices comme pour OpenType et TrueType, il faut utiliser la propriété CSS @font-face. La différence étant le poids de la fonte.

De l’intelligence des polices

OpenType ou polices Graphite, là est la question ! Ces deux formats permettent des effets de rendu qui peuvent être sensibles au contexte linguistique, d’où l’« intelligent ». L’existence et la variété de ces effets dépend des polices et des langues. Les deux permettent d’afficher des systèmes d’écriture avec des comportements complexes : ligatures, espacement, combinaison de signes, sens de la lecture (qui peut être bi-directionnel) ou encore position des lettres. Dans les exemples qui figurent dans la première partie de cette dépêche — et qui ne sont pas là que pour faire joli — on voit bien à quoi cela peut servir notamment pour SignWriting.

OpenType, on l’a vu, est développé par Microsoft, Graphite par l’ONG à but non-lucratif SIL.

Les approches d’OpenType et de Graphite sont différentes, même si les résultats sont similaires :

OpenType endeavors to save description effort within a font by implementing much of the script behavior in code, and the font just describes the font-specific details of which glyph maps to which glyph and what precise positioning to use. Graphite takes the approach of storing all of the description in the font. This allows the Graphite engine to be script-agnostic, and places the responsibility and authority for shaping completely in the hands of the font developer. SIL.

Quand OpenType s’efforce d’économiser les efforts de description au sein d’une police en implémentant une grande partie du comportement du script dans le code, la fonte ne décrivant que les détails spécifiques à la police : quel glyphe correspond à quel glyphe et quel positionnement précis utiliser, Graphite adopte l’approche consistant à stocker toute la description dans la police. Cela permet au moteur Graphite de ne pas dépendre des scripts et place la responsabilité et l’autorité de la mise en forme du côté du développement de la police. Ce qui lui donne, ainsi, la possibilité d’incorporer des fonctionnalités spécifiques qui ne seraient pas prises en charge dans les scripts OpenType.

Le premier est conçu plutôt pour la conception de polices largement distribuées, le second pour maximiser la flexibilité et faciliter la prise en compte des besoins en systèmes d’écriture des langues minoritaires qui peuvent avoir des exigences qui n’existent pas dans OpenType ou qui sont contradictoires avec des scripts existants. Cela a un prix : les fichiers de fonte OpenType sont plus légers que ceux des polices Graphite.

Les outils d’écriture

On pourrait paraphraser le poème d’Éluard « Liberté » pour évoquer les outils d’écriture traditionnels, dont certains remontent à très très loin :

Avec ma plume d’oie ou d’acier1
Avec mon calame de roseau
Avec mon pinceau de bambou
Avec mon crayon de bois
J’écris ton nom.

Aujourd’hui, pour écrire sur ordinateur, il faut réunir quatre éléments : un outil de saisie, un pilote pour pouvoir l’utiliser, un logiciel pour écrire et, enfin, une typographie qui contient les glyphes dont on a besoin.

Un outil de saisie : le clavier

Le clavier est, sans doute, l’outil de saisie le plus répandu. Sur les machines à écrire, celle de la photo date des années 1930, ce n’était pas compliqué, si on appuyait sur une touche, on obtenait la lettre dessinée sur la touche. Si on voulait avoir des majuscules, on appuyait sur la touche  Maj.  et on avait la lettre en majuscule. Si on voulait avoir plus d’une lettre en majuscules, on appuyait sur la touche, nommée ici  Fixe  et on continuait à taper. Et on ne pouvait avoir que les lettres du clavier. Si on voulait d’autres lettres, soit on bidouillait avec des ajouts manuels, soit on devait avoir une autre machine. Avec les machines à boules ou à marguerites, dont le jeu de lettres pouvait changer puisqu’il figurait sur ces boules ou ces marguerites amovibles, on n’avait plus forcément besoin d’utiliser une machine à écrire différente dans certains cas. Mais, évidemment, il était hors de question de procéder aux changements en cours de frappe.

Machine à écrire Japy

Le clavier des ordinateurs est, quant à lui, beaucoup plus que le dessin des touches qui n’est là que pour aider les personnes. Ce que fait le clavier : il envoie une impulsion électrique à l’ordinateur qui, en fonction de sa programmation, va la reconnaître comme tel ou tel glyphe. Le dessin du caractère n’est pas le caractère lui-même.

Selon la disposition, le résultat peut changer. Si je passe mon clavier « azerty » en « qwerty », en appuyant sur la touche marquée  a , j’aurai un « q », et un « b » si c’est du « bépo ». Et si je configure mon clavier avec une autre disposition, j’obtiendrai un autre résultat, mais les touches auront toujours le même dessin. Raison pour laquelle il faut éviter de donner les touches du clavier quand on veut parler d’un caractère ou — tout au moins — faut-il le compléter avec une autre indication. Le numéro de code Unicode étant la seule universelle (et efficace).

Les typographies et les logiciels

Même avec la bonne disposition de clavier, sans typographie qui contient les glyphes dont on a besoin, on n’aura pas le résultat escompté. Comment savoir si la police qu’on utilise contient un caractère précis ? La solution la plus simple est d’utiliser un outil tel que la table des caractères de GNOME (ex Gucharmap). On peut demander à n’afficher que les caractères de la fonte.

Pour trouver une police dans la langue ou le système d’écriture qui va avec, j’aurais tendance à suggérer Font Library qui permet de chercher par langue, bien que le nombre de langues me paraisse insuffisant. Sinon on peut faire un tour sur le site consacré aux polices Graphite de SIL (en) ou encore sur la typothèque du SIL (en).

Comment insérer un caractère « spécial » (traduction : un caractère qui n’est pas sur le clavier) quand on est sous (ou sur ?) Linux ?

Indépendamment de la touche compose, avec un environnement de bureau basé sur GTK ou avec Ibus : on peut obtenir n’importe quel caractère avec la combinaison de touche Ctrl+Maj+U suivi du code Unicode du glyphe. C’est très pratique pour un besoin ponctuel par exemple (vingt fois le même signe exotique dans un texte et plus jamais ensuite), ou si on ne veut pas avoir à ajouter un raccourci clavier (utilisation quotidienne en ce qui me concerne). Ça fonctionne avec nombre de logiciels. Si on est sous Windows, en utilisant LibreOffice : on saisit le code et on le fait suivre de la combinaison de touches Alt+X, mais il faut avoir un pavé numérique.

On l’a vu plus haut : avoir un groupe Unicode, avoir des polices ne suffit pas. Encore faut-il que les logiciels acceptent la saisie des textes dans un système d’écriture qui n’est pas forcément linéaire ! Et là ? L’une des solutions serait — notamment pour une langue telle que la langue des signes — de développer soit un logiciel spécifique, soit des extensions de logiciels de traitement de texte, notamment pour la prise en compte des spécificités de l’écriture de la langue. Et, bien évidemment, concevoir des environnements de bureau adaptés et traduire les logiciels quand c'est nécessaire.

Bricolage grotesque, ce n’est pas ce que vous croyez

Résister à l’idée d’évoquer Système D pour présenter une police qui s’appelle Bricolage grotesque s’est avéré mission impossible. Système D est une revue de bricolage qui a été longtemps une référence incontournable dans le domaine. Si vous êtes du genre à être plus dans Linux que dans le bricolage, ce nom — orthographié un peu différemment — vous dit, évidemment, autre chose.

Cette police (en) a été développée par Mathieu Tray et, selon sa présentation, c’est une fonte TrueType avec une attitude française et des manières britanniques, variable sur trois axes : poids, largeur et taille optique. La démonstration figure sur son site. Il va sans dire qu’elle peut être utilisée aussi pour un usage statique. Elle est sous licence SIL OFL.

Contrairement à ce que son nom peut donner à penser, elle n’a rien de grotesque : elle n’est pas spécialement fantaisiste, fantastique, bizarre ou contorsionnée. Le qualificatif de « grotesque » a été attribué à des polices sans empattement produites autour de 1815. Elles sont généralement plus épaisses que les autres. Celle qui nous intéresse en est un bon exemple. Elle est plutôt plaisante à l’œil, quant à sa lisibilité, je vous laisse juge.

Police Bricolage grotesque

Où l’on découvre comment cette dépêche a été bricolée

Les références sont données à peu près dans leur ordre d’apparition dans le texte. La plupart sont librement accessibles en ligne, et, volontairement, il y a un minimum de références à Wikipédia. J’ai privilégié les sources en français dans la mesure du possible, mais il est très difficile d’éviter d’en avoir en anglais.

Les systèmes d’écritures

Si vous voulez vous amuser à voir comment un texte rend dans un autre système d’écriture (mais pas dans une autre langue, attention), vous pouvez jouer avec le site lexilogos qui est une ressource assez formidable sur les mots.

Les hiéroglyphes égyptiens

Les idéogrammes chinois

  • Monique Cohen : Le chinois une écriture idéophonographique, 2002.
  • Claude Mediavilla : L’ABCdaire de la calligraphie chinoise. Flammarion, 2002, ISBN 978-2-08-010670-4.
  • Wang Hongyuan : Aux sources de l’écriture chinoise. Sinolingua, 1994, ISBN 7-80052-298-9.

L’alphabet Vaï

Le tifinag

Le braille

L’écriture des signes

Les formats de police

Les outils d’écriture

Bricolage

Postambule

L’aventure du Transimpressux est loin d’être terminée. D’autres chapitres restent à venir et je crains que certains ne soient aussi longs que celui-ci.

Par ailleurs, les passages sur le braille et la langue des signes sont un peu frustrants, en ce qui me concerne en tout cas. J’ai donc prévu de me pencher sur deux dépêches, une pour chaque thème, hors du cadre du Transimpressux pour faire, en quelque sorte, « l’état de l’art » sur ces deux types de handicap et le logiciel libre.

Un grand merci à nizan666 pour son apport sur le braille, notamment le texte en braille, et à Snoopy qui, sur Mastodon, m’a donné des informations sur la culture sourde.


  1. Ça ne respecte pas tout à fait la forme du poème qui repose sur des quatrains. C’est une question de licence, poétique la licence, évidemment. 

Commentaires : voir le flux Atom ouvrir dans le navigateur

par Ysabeau, BAud, Arkem, nizan666

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Conférence OW2con’24 : financements et nouveaux défis réglementaires pour les logiciels libres

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Avec quatre discours inauguraux, quatre sessions en petits groupes et 30 présentations d’experts, la conférence annuelle d’OW2 traite des aspects (...)