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Suport technique et veille technologique

Aujourd’hui, les grandes entreprises et administrations publiques hésitent entre continuer à utiliser des logiciels propriétaires ou basculer vers les Logiciels Libres. Pourtant, la plupart des logiciels libres sont capables de bien traiter les données issues des logiciels propriétaire, et parfois avec une meilleur compatibilité.

C’est alors la barrière de la prise en main qui fait peur, et pourtant...

Les logiciels libres

L’aspect « Logiciel Libre » permet une évolution rapide et une plus grande participation des utilisateurs. Les aides et tutoriels foisonnent sur Internet ou sont directement inclus dans le logiciel lui-même.

Enfin, les concepteurs sont plus proches des utilisateurs, ce qui rend les logiciels libres plus agréable à utiliser et conviviaux.

Grâce à la disponibilité des logiciels libres, vous trouverez facilement des services de support techniques et la licence n’est plus un frein à l’utilisation de ces logiciels par votre personnel.

Notre support technique concerne essentiellement les logiciels libres, que ce soit sous forme de services ponctuels ou de tutoriels.

DLFP - Dépêches  -  Interview : Cédric Gémy, graphiste, formateur, développeur sur logiciels libres

 -  Septembre 2021 - 

En 1996, Cédric Gémy devient maître Arts plastiques et découvre (et installe) Linux. Il s’investit très tôt dans le numérique côté création et fait partie des gens qui ont porté Inkscape sur les fonts baptismaux. Il écrit, d’ailleurs, pour les éditions Eyrolles Inkscape efficace en 2009 et Scribus 1.4 en 2012. Cédric Gémy est donc tout à la fois graphiste, formateur et développeur sur les logiciels libres du domaine de l’image numérique (Gimp, Inkscape, Blender) et de l’édition (Scribus).

Au cours de cette interview, dont l’idée a été inspirée dans les commentaires de cette dépêche, il répond à des questions qui se sont posées dans des commentaires de cette autre dépêche.

Sommaire

Parcours

Quelle est votre formation initiale ?

J’ai fait des études d’art à l’Université Rennes 2. J’y ai obtenu une maîtrise en Arts plastiques en 1996. J’ai ensuite fait un master en sciences de l’éducation en 2008 pour améliorer la qualité de mes services sur l’aspect formation à Gimp, Inkscape ou Scribus, qui se développait alors.

Comment, avec une formation artistique devient-on développeur ?

C’est vraiment une vaste question. En fait, je n’ai pas vraiment l’impression d’être un réel développeur. Mon point de vue est que l’artiste doit être en mesure de créer. Pour cela, on peut se limiter à ce que fournissent des logiciels et combiner, ou alors prendre à bras-le-corps le fait qu’on puisse les adapter à ses propres besoins. Programmer, c’est intégrer l’outil informatique dans son process de création, comme les peintres d’antan cherchaient à fabriquer les plus belles couleurs à partir de matières premières.

D’un autre côté, la fin des années 1990 et le début des années 2000 a marqué l’avènement du web. Les graphistes sont apparus et l’exigence de compétences techniques « informaticiennes», par exemple en CSS. J’ai fait mon premier site web en 1998. C’était une revue artistique locale. Et je me suis éclaté à l’époque à travailler avec les artistes sur lesquels on écrivait pour tenter de créer des expériences en ligne. Avec le recul, je me dis que ce n’était pas top, mais c’était une époque géniale où on pouvait tout tester.

Qu’est-ce qui a été à l’origine de votre investissement dans les logiciels libres de la sphère graphique et visuelle ?

C’est passé par plein de choses. Les deux logiciels auxquels je me suis d’abord intéressé et auxquels j’ai contribué ont été Gimp et Blender, avec mes compétences spécifiques. Mais ma première installation d’un Linux remonte à la Redhat 5.1 achetée en boutique (et oui, on n’avait pas internet à la maison). C’était en 1996. Donc bien avant Gimp. Après avoir passé au moins deux jours à l’installer, j’y ai trouvé des tonnes d’outils de création dans de nombreux domaines. On les dirait non-aboutis, mais ce n’est pas ça qui compte, mais plutôt la capacité d’exploiter le potentiel qu’ils offrent. Ce n’est pas parce que j’utiliserai le pinceau de Picasso que j’aurai sa qualité artistique. Chaque outil nous questionne à sa façon.

Pour rappel, même un Windows avec ses quatorze ou quinze disquettes prenait des heures à installer. On l’a oublié, donc je ne voudrais pas qu’on pense que je trouve que les logiciels libres ne sont pas pratiques. D’ailleurs, je n’utilise que du libre depuis 2004.

En tant que membre fondateur d’Inkscape, pourriez-vous nous dire deux mots sur les débuts de ce fabuleux logiciel de dessin vectoriel ?

Le terme « fondateur» est peut-être un peu fort, je l’utilise parfois pour simplifier, mais inexactement. Je suis plutôt un témoin direct. En réalité, j’étais le contributeur principal à la documentation officielle de Sodipodi1. Quand certains membres de l’équipe ont voulu faire un dérivé, je me suis posé beaucoup de questions. Sodipodi a installé le SVG comme format et une ergonomie assez moderne basée sur GTK. Mais il n’y avait pas de vision à long terme.

Les discussions qui ont conduit à Inkscape parlaient d’une véritable stratégie basée sur le SVG comme format d’avenir. Elles parlaient de création de bibliothèques partageables entre logiciels, et d’implémentation de la recommandation. Cela laissait entrevoir un flux de production plus homogène. Il y avait des personnes incroyables avec des idées et une énergie débordante. Je les ai donc en quelque sorte « suivies » parce que j’étais là le jour de la naissance. Mais je me souviens de moments forts que de discussion sur le logo. Ça devait être mon côté graphiste.

Moi qui devais encore coder beaucoup d’éléments SVG à la main (eh oui ! c’était comme ça avant), j’imaginai déjà les trucs de fous que je pourrai faire :-)

Position de Gimp, Krita, Inkscape et Scribus par rapport à ceux d’Adobe

On reproche encore souvent à ces trois logiciels, notamment Gimp, Inkscape et Scribus de ne pas être suffisamment professionnels, qu’en est-il réellement ?

De mon point de vue, ce ne sont pas les logiciels qui sont professionnels, mais les personnes. Vous pouvez mettre le meilleur logiciel dans les mains de quelqu’un qui ne sait pas dessiner, je pense qu’il en fera peu de choses. Et je connais des artistes qui restent aux bons vieux pinceaux, crayons et qui font des trucs géniaux. Ça fait partie d’un discours progressiste et élitiste, mais qui témoigne de mon point de vue plutôt de la peur d’une perte de reconnaissance de ces personnes. Elles identifient leur travail à leur outil. Par conséquent, remettre en cause leur outil, c’est remettre en cause leurs compétences.

Mais on ne demande pas à l’électricien quelle est la marque de ses tournevis ! Ni aux charpentiers celle de ses scies et marteaux.

Évidemment, dans certains cas il y a des contraintes que le logiciel doit être capable de prendre en charge. Mais l’erreur que font les amateurs de produits concurrents et privateurs est d’essayer les logiciels libres comme s’ils devaient fonctionner à l’identique. Dans ce contexte, et ne prenant pas en compte les différences, ils ne voient que des défauts. Citons deux exemples.

Le fameux CMJN dans GIMP : depuis le début des années 2000, Adobe et d’autres grands acteurs du graphisme ont tenté d’imposer un flux de travail RVB. Pourquoi cela ? Parce le RVB permet une représentation plus riche de la gamme de couleurs que le CMJN. Dans ce principe, la conversion quadrichromique doit intervenir le plus tard possible dans le processus, donc au moment de l’impression. Pour arriver à cela, les profils colorimétriques ont été mis en place. Gimp les a gérés très très tôt. Le problème est donc venu des utilisateurs, qui, pour certains, n’ont pas révisé leurs pratiques. Et cela dure encore.

Deuxième exemple, j’ai lu une fois un article d’un graphiste, vers 2010 je crois, qui mentionnait avoir mis toute sa volonté à vouloir tester Inkscape et de le lire dire qu’il a tout de suite compris que ce n’était pas un logiciel professionnel parce qu’il ne pouvait pas ouvrir les fichiers EPS. Je lui ai rétorqué qu’Inkscape se voyait comme un éditeur SVG et pas un éditeur Postscript. Il m’a répondu que dans son métier, ce n’était pas possible de se passer de l’EPS. Sachant que le PDF a été créé en 1993, Adobe a officiellement abandonné Postscript à son profit en 2001.

On est souvent sur des critiques qui sont biaisées parce que les bases sont mauvaises. D’une certaine façon ce n’est pas grave, chacun est libre d’utiliser le logiciel qu’il souhaite. Celui qui décide du professionnalisme, de mon point de vue, c’est le client. Si on a fait ce qui lui correspond alors, le travail est fait. Quels que soient les moyens utilisés. Je pense que ce qu’apporte le logiciel libre, en dehors des libertés, c’est surtout un questionnement sur les outils et de notre relation à eux. Et ça, il me semble que c’est fondamental.

Quels sont les points forts de chacun de ces logiciels (indépendamment du fait que ce sont des logiciels libres) ?

C’est difficile à dire, tous les logiciels ont des points forts et des points faibles. Sans rentrer dans les détails, ils partagent un certain nombre de points communs. Par exemple, ils sont tous super-légers. Blender fait 250Mo, Inkscape ou Gimp environ pareil. Prenez un équivalent Adobe vous multipliez au moins par vingt (désolé de l’approximation, ça c’est les chiffres de 2004, je n’ai pas réutilisé depuis).

Si on prend Inkscape, on n’imagine pas le nombre de choses qu’il a implémenté avant Illustrator : par exemple, un truc bête comme les arrondis pour les rectangles, ou les dégradés éditables directement sur le canevas dès les premières versions. Mais pardon, tout cela n’est pas utile aux professionnels. Ne parlons pas des outils orientés typographies qui ont permis FontLibrary et par extension, Google Fonts. Que serait le web sans cela ! Plus récemment, le fait d’avoir un véritable éditeur CSS, c’est juste incroyable pour l’édition.

Dans Scribus, le fait d’avoir des options pour gérer automatiquement les conversions d’image, leur compression à l’export, ça aussi c’était franchement en avance. Il peut d’ailleurs ouvrir des fichiers de Publisher, d’InDesign, voire, les PDF eux-mêmes. C’est le seul que je connaisse à faire ça, même si ça reste perfectible. Tout comme la prise en charge de langue non latine… mais cela ne compte certainement pas assez vu de chez nous, mais ça permet à des quelques milliards de personnes d’écrire dans leur langue correctement.

Je n’ose même plus parler de Blender. Depuis la 2.8, tous les nouveaux disent que la nouvelle ergonomie est géniale, et qu’il a fait un bond, alors qu’en fait, quasiment rien de fondamental n’a changé à part le clic droit.

Quels sont les points faibles par rapport à ceux de la concurrence et comment cela peut-il être contourné (en admettant que cela soit nécessaire) ?

Bien sûr qu’il y a des points faibles. Une fois encore, ça dépend des logiciels, mais aussi des besoins spécifiques. Un logiciel comme Inkscape est utilisé par de nombreux corps de métiers, c’est donc bête de vouloir prendre uniquement le point de vue du graphiste, comme s’il devait être la grille d’analyse de tout.

Cependant, ce qu’on retrouve assez généralement est un manque de jusqu’au-boutisme dans la pensée des processus de production. Il manque des fois peu de choses pour réellement simplifier la vie. Ce n’est pas nécessairement un problème d’ergonomie, comme on le résume souvent, mais de vision globale d’un cas d’usage.

Ce que l’on regrette chez certains logiciels c’est aussi parfois l’impression que ça n’avance pas. Je ne parle pas d’Inkscape, ou de Blender ou d’autres qui ont un rythme rapide et des notes de version à rallonge. Gimp ou Scribus, sont les représentants de la catégorie de logiciels qui peinent. Chacun pour des raisons différentes, et peut-être à cause de leur succès, les gens imaginent qu’il y a des tonnes de contributeurs de contributrices comme il y a des tonnes d’utilisateurs et d’utilisatrices. Et c’est malheureusement loin d’être le cas. L’intérêt de cela est qu’on ne va pas vers une course à la fonction qui conduit à des logiciels lourds, gourmands en énergie, difficilement installables sur des machines qui ont plus de quatre ans.

Si on ne se voile pas la face, on trouve des solutions à tous les problèmes, c’est même une partie de la créativité qui est là-dedans. Je trouve même que c’est la partie intéressante, c’est elle qui nous fait voir les personnes avec qui nous échangeons et travaillons comme des humains avec qui nous devons nous organiser. Quels que soient les défauts qu’on puisse voir aux logiciels libres, je pense que leur valeur sociale dépasse largement leurs défauts. Ça me semble important de tout prendre en compte.

Pour quelle raison choisirait-on Gimp plutôt que Krita et inversement ?

Personnellement, j’ai été tellement habitué à Gimp que j’ai gardé ça. Je suis comme tout le monde, j’ai du mal à changer. Je le trouve toujours d’actualité parce qu’il est léger, rapide au lancement, et quand on lance le logiciel plusieurs fois par jour, on n’a pas envie d’attendre de trop. Il demande un peu plus de configuration que Krita, mais pour moi ça fait partie du boulot et de l’adaptation du logiciel à mon flux. Disons que Gimp exige d’avoir plus rapidement ce questionnement qui en gêne certains.

Krita a ma préférence pour ses calques non destructifs, et je pense qu’il est pratique pour les débutants en dessin, parce qu’il a de nombreuses brosses préconfigurées. D’une certaine façon, il ressemble plus à Photoshop, ce qui n’est pas une qualité pour moi parce que je préfère largement l’ergonomie de Gimp à celle de Photoshop (même si je regrette qu’ils aient appliqué la nouvelle organisation des icônes de boite à outils justement parce que c’était pour moi un plus de Gimp).

Je pense que les personnes qui veulent s’y essayer doivent réellement prendre le temps. Personnellement, quand je me demande si j’intègre un nouveau logiciel dans mon flux de production, je le teste pendant au moins un an, pour voir ce qu’il va apporter et trouver sa meilleure place dans mon travail. Je ne considère pas qu’on doive avoir un logiciel à tout faire (à part Emacs, mais je doute que ces modes artistiques conviennent aux graphistes, peut être plus aux artistes).

Formations sur Gimp, Krita, Inkscape et Scribus

Qui sont les personnes qui viennent pour suivre des formations à ces logiciels ? Savez-vous si elles continuent à utiliser les logiciels après la formation ?

Le public est très varié. On trouve des communicants, quelques graphistes en devenir intéressés par le libre qui souhaitent migrer, mais aussi des personnels et agents territoriaux voire de grands groupes qui en ont besoin pour des travaux divers. Inkscape, en particulier, s’adapte à de nombreux secteurs : cartes météo, plans de vols, plans de salons, affiches et flyer, logos, illustrations, préparation à la découpe laser ou vinyle, maquettes web, graphisme de jeux…

Avez-vous constaté des changements dans les demandes de formation depuis que les logiciels d’Adobe sont sur abonnement ?

En effet, quand Adobe est passé à ce système, on a eu pas mal de personnes que ça a fait réfléchir. Mais cela a surtout été le cas au début. C’est maintenant un peu retombé, je pense que les gens se sont habitués à tout payer par abonnement.

Que faut-il attendre d’une formation à Gimp, Inkscape et Scribus ? (cf à ce sujet)

Ce sont des logiciels qui ont un nom. Par conséquent, beaucoup de centres de formation les ont ajoutés à leur programme. Je retrouve d’ailleurs souvent mes vieux programmes Blender obsolètes sur d’autres sites :-)

Je trouve cela positif parce que ça permet tout de même à chacun de trouver une formation proche de chez soi. Avant, j’étais souvent contraint de faire de longs trajets pour former les gens dans toute la France parce qu’ils ne trouvaient personne. Ça renchérissait aussi le cout de la formation.

D’un autre côté, comme en témoigne Ysabeau, les centres de formation n’ont pas toujours un formateur compétent sous la main. Je me souviens une fois caractéristique où un centre m’avait demandé de venir pour former une personne. Au cours des discussions, elle me remercie. Ce n’est pas fréquent alors je lui ai demandé pourquoi. Elle m’a alors avoué qu’elle avait déjà fait une formation Scribus dans un centre. Quand elle posait une question, le formateur disait souvent que ce n’était pas possible, alors qu’elle avait déjà lu des livres sur le sujet et savait que ça l’était.

En tant que formateur et utilisateur, on ne peut tout connaître. Moi-même je n’utilise plus les produits privateurs depuis dix-sept ans, j’ai donc toujours de la peine à faire des comparaisons. Mais placer des formateurs qui vont dévaloriser les logiciels pour se protéger eux-mêmes, c’est vraiment ce qu’il y a de pire pour les logiciels libres.

Savez-vous s’il existe des formations initiales dans la sphère graphique qui intègrent Gimp, Inkscape et Scribus ?

En fait, les logiciels libres sont intégrés depuis longtemps dans divers cursus universitaires ou supérieurs. J’ai formé des géographes, biologistes, éducateurs… dans diverses régions françaises. De ce point de vue, de nombreux logiciels ont percé, et pas seulement les trois mentionnés.

Dans les formations dédiées spécifiquement aux métiers de graphisme, c’est un peu plus compliqué de trouver. La licence Colibre, à Lyon 2 dédiée aux communicants, existe depuis presque quinze ans. Elle a une longue expérience dans le domaine et de nombreux étudiants sortis de là ont adopté définitivement les logiciels libres.

Dans le privé, notre centre de formation Activdesign est spécialisé depuis 2011 dans les métiers du graphisme libre. On étend peu à peu la gamme, après avoir commencé avec le print2 (graphic design) et le web. Nous avons commencé cette rentrée avec plus de cinquante inscrits avec une forte proportion de demandes en jeux vidéos et illustrateurs.

Il y a certaines écoles qui passent peu à peu à des technologies libres, par exemple ATI à Paris 8.

J’ai été contacté récemment par un grand groupe qui a de nombreux campus conduisant à des BTS communication. Leur approche n’est généralement pas libriste, elle est avant tout économique : ils veulent se passer du coût des licences. Une fois encore, l’avantage est que ça diffusera les logiciels, mais si c’est sans prise de conscience des licences, on se retrouvera avec beaucoup de personnes consuméristes qui auront surtout des exigences et peu d’apports pour la communauté, ce qui peut être dangereux à terme.

Blender

Comment peut-on situer Blender dans la sphère professionnelle par rapport à ses équivalents ?

Personnellement, j’utilise Blender depuis qu’il est libre. J’avais financé son premier manuel, j’avais contribué et nous avions été sponsor de Cosmos Laundromat3 parce que nous avons cru en son modèle de développement. J’utilisais auparavant 3dstudio. J’ai toujours trouvé Blender supérieur en ergonomie et en capacité. De mon point de vue, la 2.8 ne change rien, il reste le meilleur. Sauf qu’on a perdu le moteur de jeu :-(

En 2018-2019, l’Afdas4 avait fait une enquête auprès des studios d’animation pour savoir quel logiciel ils utilisaient et dans quelle partie de la production. J’avais fait mon propre calcul à partir de leurs chiffres : Blender ressortait second avec un total de 75 points derrière Autodesk Maya à 85. 3ds Max était à 32. Et ça, c’était avant la 2.8.

De plus, Blender est ultra productif en particulier grâce à son utilisation importante de raccourcis clavier. Si beaucoup de gens passent à Blender parce qu’il a maintenant de belles icônes, c’est un peu louper l’essentiel.

Je pense donc qu’il est bien placé, assurément, de source « officielle» et neutre.

Pour quelles raisons (hormis le fait que c’est un logiciel libre) on utiliserait de préférence Blender dans le cadre d’un film par exemple ?

Blender a ceci de formidable qu’il couvre presque la quasi-totalité du flux de production. Vous pouvez y faire votre storyboard, l’animer, le passer en 3D, faire les rendus, un peu de post-production et le montage final. Sur certains points, d’autres logiciels seront plus performants, mais c’est le seul à presque tout faire, et à le faire bien. Même sur les tâches courantes, il possède des options intéressantes qui n’ont pas d’équivalents, mais qui vont évidemment être copiées. Il est homogène, entièrement scriptable, ce qui est essentiel dans des productions industrielles, parce que, si on doit rendre chaque scène à la main on ne s’en sort pas.

Lorsqu’on a écrit Blender pour le jeu vidéo, ou Blender pour le montage vidéo, beaucoup de gens nous ont beaucoup dit que ce n’était pas fait pour ça. Ton Roosendaal5 lui-même. Mais finalement, lorsqu’en conférence en 2019 il a annoncé qu’il comptait enlever le Video Sequencer6 et qu’il a fait un sondage immédiat dans la salle, la moitié a levé la main pour dire qu’ils l’utilisaient et voulait le garder.

Est-ce que la demande de formation suit les évolutions de Blender ?

Plus ou moins, on voit des regains d’intérêt lorsqu’il y a des évolutions ou des sorties de version, mais on est souvent sur des formations de prise en main ou de migration. En général, les personnes qui ont déjà une grande expérience de la 3D n’ont pas de difficulté à passer à Blender, elles doivent juste regagner en productivité. Et là-dessus, Blender est très fort.

Que savez-vous et que pensez-vous de l’offre en formation sur Blender ?

Elle est très disparate, mais c’est certainement la plus riche du secteur du graphisme libre. De nombreux corps de métiers utilisent la 3D, y compris dans l’ingénierie… J’ai formé par exemple des salariés de grand groupe pour des simulations d’implantation d’éolienne, des architectes ou décorateurs…

Il y a donc de nombreux centres de formation qui ont régulièrement des propositions.

La qualité des formateurs et des formatrices y semble plus fiable en général que celle qu’on va avoir sur Scribus, Krita ou Inkscape.

Pour finir

Au niveau professionnel, quels autres logiciels libres utilisez-vous, sur quel OS ? Question subsidiaire si les formations se font sur Linux, est-ce que ça pose un problème quelconque aux stagiaires ?

À Activdesign, nous n’utilisons que du libre que ce soit pour l’école ou le studio. On a notre préférence pour Debian, mais on a aussi de l’Ubuntu et du Mageia selon le support de notre matériel.

De fait, on utilise principalement les logiciels principaux, mais ça peut aussi parfois être Darktable, Digikam, Luminance HDR, PDFSam, Godot Engine, ou des outils en ligne de commande.

Les gens s’habituent à être sur du libre. Certains sont un peu perdus au début, mais en vrai une fois qu’on est dans le logiciel ça ne change pas grand-chose. Et puis, depuis que Windows utilise un lanceur textuel, finalement ça se comporte comme un Linux :-) donc, ils sont moins perdus maintenant qu’avant.

Nos étudiants en formation longue ont le choix. Ils peuvent venir avec leurs ordinateurs et rester sous Windows. On en a même un qui a fait un jeu avec Unity l’an dernier. On n’est pas fermé, et on aide chacun comme on peut à progresser dans sa voie. Mais plusieurs ont migré à Linux, ou n’utilisent que du libre avec Windows.

Quelle est votre distribution GNU/Linux préférée et pourquoi, quels sont vos logiciels libres préférés ?

Personnellement, même si j’ai commencé sur une Redhat, je suis passé à Debian et ça me va bien. Je ne suis pas nécessairement à la recherche de la distribution parfaite. Debian est un bon compromis entre un bureau simple grâce à Gnome et des outils système performants avec une grande panoplie de paquets. On a juste des soucis quand on doit passer sur des ordis à carte NVIDIA ce qui arrive malheureusement avec Blender.

Dans ce cas, on passe sur d’autres comme Ubuntu ou Mageia, ou encore Librazik, mais ça fait déjà deux dérivés de Debian.

En fait, Blender et Codium7 sont mes Emacs à moi :-). Tant qu’ils tournent, tout est possible. Mais j’adore Inkscape et aussi Darktable, mais je fais peu de photo en ce moment.

Quelle question auriez-vous détesté qu’on vous pose ? (en espérant que je ne vous l’ai pas posée).

Est-ce qu’on est vraiment un professionnel quand on n’utilise pas des outils « habituels» ?

C’est la question qui m’énerve. Comme si la compétence était dans le logiciel. Personnellement, mes études artistiques m’amènent à concevoir la création comme un chemin de recherche, plutôt qu’un résultat. C’est évidemment un peu différent lorsqu’on travaille pour un client, souvent le risque est enterré très tôt. Mais je pense que les deux ne s’excluent pas. Et c’est souvent en se mettant en difficulté qu’on va trouver de nouvelles pistes. Il faut garder l’esprit d’expérimentation, pas pour se dire qu’on va révolutionner le monde, mais juste pour garder la flamme et ne pas devenir une machine humaine qui répète les mêmes tâches quotidiennement sans réfléchir.

Merci beaucoup Cédric.


  1. [N.D.M.] : Sodipodi était un logiciel libre de dessin vectoriel. 

  2. [N.D.M.] : print, dans le jargon, désignel comme on s’en doutaitl la production imprimée par rapport au numérique. 

  3. [N.D.M.] : court-métrage d’animation néerlandais. 

  4. [N.D.M.] : l’Afdas est un organisme français qui collecte les fonds de la formation continue. C’est, notamment, l’« opérateur de compétences » (OPCO) des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, etc. Les logiciels dont il est question dans cette étude sont des logiciels de modélisation et de rendu 3D. 

  5. [N.D.M.] : Ton Roosendal est un développeur de logiciels et producteur de film néerlandais. Il est aussi le créateur de Blender. 

  6. [N.D.M.] : le Video Sequencer (EN) est un outil de Blender utilisé pour le travail des vidéos. 

  7. [N.D.M.] : Codium, ou Visual Studio Codium, est un éditeur de code. 

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par Ysabeau, Benoît Sibaud

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