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Suport technique et veille technologique

Aujourd’hui, les grandes entreprises et administrations publiques hésitent entre continuer à utiliser des logiciels propriétaires ou basculer vers les Logiciels Libres. Pourtant, la plupart des logiciels libres sont capables de bien traiter les données issues des logiciels propriétaire, et parfois avec une meilleur compatibilité.

C’est alors la barrière de la prise en main qui fait peur, et pourtant...

Les logiciels libres

L’aspect « Logiciel Libre » permet une évolution rapide et une plus grande participation des utilisateurs. Les aides et tutoriels foisonnent sur Internet ou sont directement inclus dans le logiciel lui-même.

Enfin, les concepteurs sont plus proches des utilisateurs, ce qui rend les logiciels libres plus agréable à utiliser et conviviaux.

Grâce à la disponibilité des logiciels libres, vous trouverez facilement des services de support techniques et la licence n’est plus un frein à l’utilisation de ces logiciels par votre personnel.

Notre support technique concerne essentiellement les logiciels libres, que ce soit sous forme de services ponctuels ou de tutoriels.

DLFP - Dépêches  -  Des histoires de caractères

 -  Août 2022 - 

Pour ce voyage dans le temps et dans l’espace, le Chemin de fer Transimpressux, vous emmènera dans le monde fabuleux de la fabrication des lettres. Cette fois-ci, on partira de la Venise de la deuxième moitié du XVe siècle. On escaladera les montagnes du Tibet, on fera un tour du côté de la Phénicie, de la Grèce et de la Rome antique, on ira à Nancy mais pas pour déguster des bergamotes, on passera par la Terre du Milieu (mais oui) pour terminer notre parcours du côté de la banquise, pas très loin de la Finlande, non sans avoir dit bonjour à Jost* au passage.

Le bar du Transimpressux a été rechargé avec, notamment, cinquante variétés de thé, de la bière artisanale, des galettes pomme-noisette et du pain perdu au chorizo (c’est tendance).

Le Transimpressux

Sommaire

Préambule

Cette dépêche est une suite de la précédente (forcément si c’est une suite) qui vous parlait du chouette caractère d’Ysabeau, mais, surtout, situait l’écriture numérique (électronique, informatique, etc.) dans l’histoire de l’écriture et abordait la question des licences des typographies. Problème, commencer à réfléchir et à travailler un peu sérieusement sur ce sujet revient presque à ouvrir le couvercle d’un tonneau sans fond tellement une recherche en amène une autre. Ceci est donc une partie de mes découvertes sur ce sujet passionnant qu’est l’écriture.

Et, comme ça n’est qu’une partie (oui encore) de ce travail, il devrait y avoir des suites. Le chapitre sur l’Unicode par exemple n’est qu’une assez rapide présentation qui peut laisser sur sa faim.

Comment est-on passé du plomb à l’électron ?

Comment fabriquait-on les polices de caractère avant comment les fait-on maintenant, et comment a-t-on incorporé les anciens caractères en plomb à nos bibliothèques de fontes électroniques.

Les anciennes fonderies de caractères

Fabriquer un caractère en plomb se faisait en trois étapes, une fois le caractère dessiné. On commençait par graver le fer pour en faire un poinçon qui est ensuite frappé sur du cuivre. Et c’est dans cette matrice de cuivre que l’on coulera ensuite le plomb pour obtenir les caractères d’imprimerie. L’un des gros intérêts de cette façon de procéder est que le poinçon sert peu, donc s’use peu, et qu’il peut faire plusieurs matrices qui, elles, s’useront plus vite, car il faut une grande quantité de caractères pour une imprimerie. Il fallait avoir le nombre de caractères suffisant pour au moins un livre puisqu’on composait, logiquement toutes les pages avant impression, ce qui permettait de tirer des épreuves soumises à l’auteur et qui pouvaient être sujettes à correction. Marcel Proust par exemple était la hantise des imprimeurs, à chaque épreuve il rajoutait énormément de corrections sur des bouts de papier, les « paperolles ». ce qui était susceptible d’attirer des fautes différentes et posait des problèmes pour tout faire tenir sur la page. Et, comme une imprimerie imprime plus d’un livre à la fois, il fallait une collection de lettres d’autant plus importante que l’on était susceptible de garder les pages composées en prévision d’un retirage éventuel. Cela représentait un budget extrêmement important et les polices de caractères se transmettaient de pères en fils dans les premiers temps de l’imprimerie. On ajoutera que, comme c’est le cas de l’Unicode actuel, il existait des caractères pour les espaces : cadratin, demi-cadratin, quart de cadratin et fine. Le cadratin faisant référence à la lettre M, la plus large des lettres de l’alphabet latin.

Pour composer une page, on commençait par faire des lignes de texte dans le composteur qui étaient ensuite glissées dans un plateau ou galée pour la mise en page avant de passer sur le marbre pour l’impression.

La galée
Un genre de galée avec le texte composé prêt à être imprimé et le texte imprimé en regard.

Et, évidemment, quand l’occasion (une commande) se présentait, il était nécessaire de dessiner et de fabriquer des polices de caractères non latines. Ainsi, Catherine Kikuchi, dans La Venise des livres1 relève que l’imprimeur vénitien Andrea Torresani avait probablement travaillé avec un clerc dalmate pour une édition en caractères glagolitiques2 (sans doute, elle n’indique pas la période, à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle).

Il s’est posé aussi, assez tôt, la question de ce qu’on pourrait appeler l’interopérabilité : celle de la taille. En effet, et en imprimerie, la taille compte énormément, pas uniquement celle du caractère imprimé lui-même mais aussi celle du caractère mobile qui sert à l’impression : trop haut il troue le papier, pas assez, il n’imprime pas et laisse un blanc sur la page. Ainsi en France, la taille des caractères a été définie dans une ordonnance de 1723 :

le 28 février 1723, à la demande de la Chambre syndicale de la librairie, le Régent signe une ordonnance réglementant les dimensions physiques des caractères d’imprimerie et notamment la « hauteur en papier » :

Veut Sa Majesté que six mois après la publication du présent règlement, tous les Caractères, Vignettes, Réglets et autres ornements de fonte servant à l’imprimerie, depuis le Gros-Canon jusqu’à la Nompareille, soient fondus d’une même hauteur en papier fixée à dix lignes géométriques […]3

Le passage à l’électron

Quand les imprimeries ont commencé à s’informatiser, il a bien fallu récupérer l’existant. Les caractères imprimés sont donc numérisés pour former la fonte numérique. On obtient ainsi plusieurs versions d’une même lettre. Ensuite on choisit celles qui rendent le mieux et, de fait, nécessitent moins de re-travail.

Puis, intervient l’étape, à l’aide de logiciels tels que FontForge où les caractères sont corrigés et nettoyés et la fonte générée après des tests. Dans l’image du texte sur la galée, la police est une version « brute de fonderie » ou plutôt de numérisation du caractère romain de Jenson : 1470 Jenson. Dans ce genre de texte il est intéressant, sinon, l’intérêt est relatif et ce d’autant plus qu’il reste à ajouter des glyphes manquants pour une écriture contemporaine.

La création d’une police de caractères

Une police de caractères doit répondre à trois conditions :

  • avoir le nombre de glyphes nécessaire,
  • être lisible (ou répondre à un critère de lisibilité spécifique),
  • être interopérable.

On peut utiliser un outil comme Inkscape pour le dessin des caractères si on veut, mais il est indispensable de travailler avec un logiciel plus spécifique comme FontForge pour créer une typographie complète. En effet, un caractère c’est un dessin, mais aussi des fonctionnalités OpenType notamment et ça, Inkscape ne sait pas le faire.

En pratique, l’idée est de commencer par dessiner une ou deux lettres qui serviront de base aux autres. Le manuel de FontForge recommande, pour l’alphabet latin, de commencer par les lettres « o » et « n » qui contiennent la substance de toutes les autres lettres. Une fois cela fait, il est possible d’en prendre des morceaux pour le dessin des autres lettres. Le logiciel peut aider à rendre le processus plus rapide, de même qu’il va « aller chercher » les diacritiques pour les poser sur les caractères, ce qui ne signifie pas qu’il n’y a aucun re-travail à faire pour rendre le résultat visuellement meilleur. Concevoir une police de caractères complète reste un travail de longue haleine.

La deuxième étape consiste à vérifier qu’il n’y a pas de problèmes en passant par la fonctionnalité Recherche de problèmes de FontForge qui va indiquer ce qui cloche au niveau du dessin : hauteurs, problèmes de coordonnées (des points), position des points de contrôles, etc. et à la valider. Il faut la tester et la faire tester par d’autres. La création d’une police de caractères par une personne chevronnée prend plus d’une année (quelque chose comme quatorze à seize mois).

Enfin, la troisième étape, celle qui vous permettra de lancer votre police dans le monde, la génération de fichiers de polices installables.

Un code unique pour les gouverner tous

Everyone in the world should be able to use their own language on phones and computers.

« Tout le monde devrait pouvoir utiliser sa propre langue sur les téléphones et les ordinateurs ». Telle est la devise de l’Unicode.

Création du consortium Unicode

En 1991, un groupe d’entreprises américaines, dont Adobe, IBM et Microsoft, fondent le Consortium Unicode avec l’objectif de faire un peu le ménage dans les codifications des polices de caractères. À cette époque, l’informatique sort de ce que j’appellerais sa phase d’adolescence. Le système d’exploitation, hormis pour Apple, n’est plus lié au matériel et, les ordinateurs commençant à se répandre partout, il était nécessaire d’améliorer la communication entre eux. En effet, à cette époque, il y avait foultitude de codages des caractères et foultitude de façon de les coder ce qui posait des problèmes inévitablement. Par exemple, le standard de caractères d’Apple (Standard Roman Character Set) ne suivait pas exactement la norme ISO Latin-14.

L’objectif du consortium a donc été de présenter un standard de codage de caractères, l’Unicode, susceptible de coder tous les caractères de toutes les langues et de tous les systèmes d’écriture ce qui évite d’avoir à composer avec quarante-douze mille normes différentes et facilite les échanges et le travail en plusieurs langues. Évidemment, il fallait que cela soit interopérable et indépendant des systèmes d’exploitation.

Unicode sort sa première version en 1991. À l’époque, il avait « 65536 code points disponibles et utilisait 16 bits par caractère (UCS). ». En 1996, changement du fusil d’épaule, le codage UCS s’avérant très nettement insuffisant, Unicode sort sa version 2.0 et passe à l’UTF (Universal character set Transformation Format). La dernière version est parue en septembre 2021 et porte le numéro 14.0, un rythme d’un peu moins d’une version tous les deux ans.

Les principes d’Unicode :

Unicode repose sur plusieurs principes notamment :

Des blocs, des scripts et des caractères invisibles

Les caractères sont répartis non pas par blocs de langue comme cela peut être écrit improprement ici ou là, ce qui n’aurait pas de sens mais par blocs de systèmes d’écriture, ce qui est très différent. En effet, si on se penche sur le bloc Latin étendu A par exemple, on voit bien que la plupart des caractères, si pas tous, ne sont pas utilisés dans la langue latine. Les caractères peuvent aussi ne pas avoir de glyphes associés, outre les espaces, il s’agit des caractères de commande qui permettent d’influencer l’ordre d’affichage de façon à avoir un rendu lisible du texte.

Si vous n’utilisez que des langues qui utilisent l’alphabet latin et des logiciels tels que la Table des caractères de Gnome (Gucharmap) ou LibreOffice, vous n’aurez donc besoin que des blocs : Latin (commande, latin étendu, etc.), Ponctuation générale (apostrophe, ’ U+2019, puce, • U+2022), Symboles de type lettre (℃ U+2013), Formes numérales (fraction, chiffres romain), Flèches, Opérateurs mathématiques, Signes techniques divers, Alphanumériques cerclés (① U+2460 et suivants, Ⓐ U+24b6 et suivants) ainsi éventuellement que les divers symboles mathématiques, le bloc Casseau pour la décoration (❶ U+2776 et suivants). Cela, sous réserve que la police que vous utilisez les possède.

Les scripts sont des collections de caractères utilisés pour représenter une information textuelle dans un ou plus de systèmes d’écriture. Certains ne fonctionnent que pour une langue, d’autres, comme le « Latin », fonctionnent pour plusieurs langues. Ainsi, on retrouvera les ligatures fi, U+fb01, ffi, U+fb03 dans le script « Latin » et dans le bloc « Formes de représentation alphabétique ».

Note : le site de table des caractères d’Unicode propose aussi une autre façon de chercher un caractère qui peut être plus efficace, une recherche Wikipédia, dans certains cas, sera la solution pour trouver rapidement le signe cherché.

Unicode acclamé, Unicode utilisé, utilisateurs et utilisatrices libérés ?

Ce n’est pas si simple ou évident. Unicode a rencontré, et rencontre encore, des critiques. Un article du numéro spécial de la revue Document numérique6 consacré à l’Unicode, Yannis Haralambous (lien en anglais), spécialiste des polices non latines qui a participé au développement d’une extension pour Tex (lien en anglais), reprochait à Unicode de maltraiter la typographie notamment en raison de descriptions des caractères très américano-centrées (ce qui n’est pas faux). Très clairement, il a manqué aux débuts de l’Unicode de diversité de populations, origines, cultures et langues. Néanmoins, Unicode a réussi à s’implanter, mais pas partout.

Par exemple, en informatique, l’Unicode ne semble pas trop avoir la cote au niveau de POSIX ce qui pose de réels problèmes aux personnes qui n’ont pas commencé à apprendre à lire avec l’alphabet latin. D’une manière générale, on a un peu l’impression qu’une certaine partie de la sphère informatique rechigne à utiliser l’Unicode au motif que :

  1. ça les ennuie de faire avec autre chose que l’ASCII,
  2. la plupart des gens s’en fichent, ce qui, à l’évidence, est parfaitement faux.

Une solution pourrait être d’accepter l’Unicode dans les noms de fichiers notamment et d’utiliser des polices qui, par exemple pour le Mandarin, affichent le Hanzi et le pinyin par-dessus ou des outils qui « transcrivent » les pinyins à la volée pour les scripts, etc. Des solutions qui pourraient éviter que chacun développe son outil dans son coin, outil compatible avec rien, naturellement.

De son côté, pour Unicode, il reste encore du travail à faire à la fois dans le codage de caractères et dans le développement des claviers et des autres outils de saisie ainsi que des polices de caractère, des données linguistiques comme les formats de date et des traductions de ces dernières. « Cela doit être fait pour des centaines de langues et ce travail est loin d’être achevé. »

Alors ? Unicode acclamé, peut-être pas, mais réclamé sûrement. Unicode utilisé, oui mais pas encore partout et surtout pas forcément bien partout (par exemple dans les liens Wikipédia ou LinuxFr.org). Utilisateurs et utilisatrices libérés ? Sans aucun doute, cela évite tellement de problèmes.

Des enjeux de caractères

S’intéresser aux typographies c’est aussi découvrir des enjeux et des usages différents des caractères. Cette petite liste n’est qu’un exemple de ce qui peut exister. On verra que la création de fontes peut répondre à des préoccupations très différentes.

Polices pour les inscriptions monétaires

Le projet Police pour les Inscriptions Monétaires (PIM) a été lancé en 2013 par la Bibliothèque nationale de France (BnF) son objectif est de créer :

une police de caractères pour transcrire, publier et analyser de façon satisfaisante et uniformisée les inscriptions monétaires.

Un projet nécessité aussi par la numérisation et la mise en ligne des collections de la Bnf. Sans fontes spécifiques, le texte des inscriptions des monnaies est transmis sous forme d’image. En donner une transcription « version originale » en texte facilitera la recherche en sciences humaines. Le projet a débuté par le développement d’une police, Meroweg, pour la transcription des inscriptions mérovingiennes, projet confié à l’’Atelier National de Recherche Typographique. Le projet a été ensuite étendu à partir de 2019 aux collections de monnaies anciennes écrites en phénicien, chypriote, grec archaïque, étrusque, ombrien, osque, paléohispanique, lycien, paléo-hébreu, kharoshthi et nabatéen.

Sur le choix de l’encodage, les inscriptions présentant des variantes, les polices utilisent les fonctionnalités cv01-cv99 qui permettent jusqu’à 99 variantes par glyphe. Les polices seront offertes en téléchargement sous licence SIL OFL.

L’article Polices pour les inscriptions monétaires : Transcription typographique des monnaies antiques de Morgane Pierson retrace l’histoire et les défis posés par la création de ce type de police avec, notamment, le choix des sources servant de références au dessin des glyphes.

Polices médiévales

L’Atelier National de Recherche Typographique (ANRT) de Nancy a réalisé des collections de polices inspirées de celles du XVe siècle, entre 1452 et 1482. Donc des débuts de l’imprimerie et juste avant l’arrivée et l’essor des polices de type « romain » (appelées aussi Normal ou Regular).

Ces polices sont sous licence SIL OFL et téléchargeables sur le site de l’ANRT. Il y en a plusieurs, dont « Soufflet vert » qui est celle du texte du rotulus et du volumen qui illustre la dépêche Ysabeau, un chouette caractère. Elles ne sont pas « complètes » en ce sens qu’elles n’ont pas tous les glyphes dont on pourrait avoir besoin pour du texte en français contemporain. Mais elles peuvent être utilisées pour du texte ornemental et, bien sûr, pour des transcriptions de textes médiévaux.

Tolkien

Avec le projet de polices inspirées du monde de Tolkien, l’auteur de la mythique saga du Seigneur des anneaux et d’un monde où l’écriture tient une bonne place, on se retrouve face à une autre problématique et d’autres objectifs.

Derrière l’écriture, il y avait l’idée de rendre les langues du Seigneur des anneaux et pas uniquement une police avec laquelle on pourrait écrire du texte dans notre langue à nous pour le rendre en quelque sorte « elfique ». Le projet Glǽmscribe a donc abouti à la fois à des typographies et un transcripteur en ligne.

Bifur
Bifur et la police Bifur de Cassandre

Juste pour l’anecdote, dans le livre Bilbo le Hobbit (1937) qui précède (et prépare) les trois volumes du Seigneur des anneaux, le héros, Bilbo, est accompagné d’une compagnie de nains, dont le trio Bifur, Bofur et Bombur. En 1929, le graphiste et typographe Cassandre avait dessiné un caractère de titraille très Art Nouveau pour la fonderie Deberny Peignot, le Bifur qui n’a rien à voir avec une quelconque police tolkienienne.

On peut télécharger d’autres polices d’inspiration tolkieniennes sur le site Tolkiendil.

Tibet

La transcription des écritures tibétaines en caractères d’imprimerie est une longue histoire qui a commencé au XVIIIe siècle. L’écriture tibétaine est un alphabet syllabique qui s’est normalisé au VIIe siècle. Il se lit de gauche à droite et les syllabes peuvent être composées de consonnes empilées. Les mots ont une, deux, voire, rarement, quatre syllabes séparées par le signe « tsheg », un genre de point.

Une première version de caractères d’imprimerie en tibétain a été réalisée en 1738 par le graveur Antonio Fantautius. Ils ont été utilisés pour la première fois dans l’Alphabetum Tibetanum (lien en anglais), un genre d’encyclopédie en latin sur la culture, la religion et la langue tibétaines. Les caractères tibétains sont une interprétation « naïve, simplifiée et peu respectueuse des proportions. Certains caractères sont très grands et massifs. Dans un groupe de consonnes, le caractère inférieur est beaucoup plus petit qu’il ne devrait l’être quand il est combiné avec un signe voyelle, qui est lui-même surdimensionné. »7. Ils devaient être utilisés durant les soixante-quinze années suivantes. D’autres fonderies réaliseront des polices d’écriture tibétaine par la suite : au XIXe siècle en Italie, en Russie puis en France. Vers 1881, le fondeur allemand Ferdinand Theinhardt réalise une fonte de caractères tibétains qui sera achetée par l’Oxford University Press (OUP). Las, les caractères ne sont pas compatibles avec les presses de l’OUP (pas assez longs), ils seront refondus pour pouvoir être utilisés.

Et aujourd’hui ? Dans L’évolution des caractères d’imprimerie du tibétain : anatomie et développement historique des polices d’écriture tibétaines, le créateur de caractères Jo De Baerdemaeker se propose « d’étudier la fonctionnalité des polices de caractères tibétaines contemporaines et de proposer une méthodologie propre pour l’usage des caractéristiques des polices OpenType, afin de surmonter les défis posés par la composition en tibétain ».

Fonte des glaces

Un quotidien finlandais qui utilise une police de caractères qui suit le réchauffement climatique, ça n’existe pas ! Ben si, le plus grand quotidien finlandais, Helsingin Sanomat (site en finnois) et l’agence TBWA\Helsinski ont commandé aux créateurs de caractères, le Finlandais Einon Korkala et le Sud-Africain Daniel Coull, une fonte, Future (lien en anglais) qui montre visuellement l’impact du réchauffement climatique, de 1979 à 2050.

La fonte (le nom est vraiment approprié) Future, utilise des fonctionnalités Open Type pour montrer la disparition de la banquise arctique du fait du réchauffement climatique. Plus on va vers 2050, plus les caractères fondent, et moins ils sont lisibles, forcément. Elle est sous licence SIL OFL et téléchargeable, malheureusement sur le site de partage de fichiers de Google qui nécessite un compte. Mais on peut tout de même voir le rendu, il faut faire défiler la page et on arrive sur un module de démonstration en ligne avec lequel on peut jouer.

La fonte Future
Démonstration de la fonte Future de 1979 à 2050, c’est glaçant !

Jost* le futur de Futura ?

En 1927, Paul Renner lançait sa police Futura. Une élégante police bâton qui sera choisie par la Nasa pour la plaque laissée par les astronautes sur la Lune en 1969.

Quatre-vingt-dix ans après, indestructibletype* lance Jost* inspirée de la Futura et nommée ainsi en mémoire d’Heinrich Jost qui, selon son créateur, Owen Earl, a joué un rôle déterminant dans la réalisation des idées de Paul Renner.

La police Jost* contient neuf fontes de graisses différentes et peut être utilisée avec cinquante langues différentes incluant le russe.

Jost* et Futura

La chasse de Jost* est plus étroite que celle de Futura, son « a » est très différent aussi par exemple. Elle rend formidablement bien sur écran, même en petit. Je l’ai adopté comme police pour Xfce.

Vous prendrez bien un petit tutoriel sur Inkscape ?

Puisqu’il s’agit de jouer avec les caractères. Jouons avec Inkscape. On commence donc par les transformer en chemin, étant donné que l’idée n’est pas vraiment de changer la taille ou de modifier les proportions.

Transformer des lettres

On sélectionne le texte et on va sur le menu Chemin et donc logiquement sur Objet en chemin. Ça transforme tout le texte en autant d’objets différents qu’il y a de lettres.
Objet en chemin

Une fois ceci fait ①, on peut supprimer des points, conseillé quand il y en a beaucoup ② et les modifier ③ jusqu’à ce qu’on soit content du travail ou qu’on en ait assez, au choix.

Trois V

On peut voir ci-dessus la V de la police 1470jenson que j’ai beaucoup revu pour le lisser, et ensuite l’ornementer pour faire la première illustration de cette dépêche.

Intégrer des lettres à un dessin

De la même façon, on les transforme en chemin, si ce n’est déjà fait, si c’est un logo, ça doit être le cas. Ici, pour ce fond d’écran en prévision de la future Mageia 9 qui va bientôt sortir de son chaudron, l’idée a consisté à donner un fond blanc au « m » et au « a » et, avec les courbes de Bézier, à dessiner une petite forme bleu sur le bout du « a » qui dépasse et une courbe spirométrique blanche (contour) sur la partie du « g » qui est sur le fond bleu.
A et g

Et voilà le travail.

Inspiration cubiste
Inspiration cubiste et bleus Mageia

C’est l’idée générale : en jouant avec les plans, premier, arrière, intermédiaire, et ajoutant au besoin des petites touches (formes, courbes) on peut ainsi intégrer un texte à un dessin et, par exemple, faire de superbes logos pour l’application qu’on développe (ou n’importe quoi d’autre en fait).

Dans la fabrique de la dépêche

On se doute que, pour rédiger cette dépêche, je ne me suis pas contentée de fouiller le tréfonds de ma mémoire pour l’alimenter. Parmi mes lectures (bonus : si vous vous posiez la question de mes lectures estivales, vous avez la réponse) :

  • Design avec FontForge, que l’on peut lire en ligne ou récupérer aux formats pdf, epub et mobi est, avec le Floss manuel fontes libres, un livre essentiel si on s’intéresse à la question ; il est bien écrit et ne se limite pas aux caractères latins,
  • Unicode, écriture du monde ?, revue Document numérique 2002/3-4 (Vol. 6), Lavoisier, ce numéro est entièrement consacré à l’arrivée de l’Unicode, il est extrêmement intéressant et les articles, écrits par des spécialistes, couvrent à peu près l’ensemble des questions concernant la norme et pas si dépassés,
  • OpenType Cook Book (en anglais), est un site très accessible sur OpenType, il est préférable d’avoir des connaissances de base en matières de typographie (construction d’une lettre, vocabulaire spécifique) pour en tirer un meilleur parti. Il me semble un complément à Design avec Fontforge et au manuel Fontes libres,
  • le wikibook À la découverte de l’Unicode, il n’est pas vraiment fini et à quelques faiblesses qu’une relecture pourrait corriger, mais c’est une bonne source.

Outre ces références :

Je vous fais grâce du reste cette fois-ci.

Et évidemment, j’ai rédigé aussi un tutoriel, surtout pour avoir les images en ligne, et hum, mettre en téléchargement mes fonds d’écran pour Mageia 9. Si c’est plutôt le dessin du gnome qui vous intéresse, c’est sur OpenClipart, mais vous pouvez aussi le tricoter, c’est un modèle que j’ai conçu en 2019.

Oh et merci Maclag pour le passage sur l’utilisation de l’Unicode dans les noms de fichiers en me permettant de lui voler l’idée et d’avoir eu la gentillesse d’améliorer ma rédaction du paragraphe.

Postambule

Ce voyage dans le temps et dans l’espace a ouvert (et je le crains, va continuer à ouvrir) de multiples horizons. Si vous le voulez bien (si non, non, parce que ça prend du temps, beaucoup), le Chemin de fer Transimpressux organisera d’autres excursions qui porteront sur le code : l’écriture comme code et la codification de l’écriture, pas le code informatique per se, raison pour laquelle je ne suis pas rentrée trop dans les détails concernant l’Unicode. Mais aussi, la conservation du texte où il sera question aussi de formats (ouverts ou pas), et peut-être un volet sur ce qu’est l’écriture numérique en suivant grosso modo le schéma adopté pour ces deux dépêches. Il faudrait aussi que je consacre des chapitres ou une dépêche aux fonctionnalités OpenType et à celles des polices graphite. Qu’en pensez-vous ?

À bientôt sur les lignes du Transimpressux ?


  1. page 78, La Venise de livres, 1469-1530, Catherine Kikuchi, Champvallon 2018, ISBN 979-10-267-0702-8. 

  2. L’alphabet glagolitique est le plus ancien alphabet slave connu. 

  3. Caractères, codage et normalization : de Chappe à Unicode, Jacques André, revue Document numérique, 2002/3 Vol. 6, pages 13 à 49, ISSN 1279-5127. Le texte en italique, relève l’auteur est « cité par A. Frey, Nouveau manuel complet de typographie, Manuels Roret, Paris 1857 ; édition fac-similé, Léonce Laget, 1979 ». 

  4. Caractères, codage et normalization, page 13. 

  5. Introduction à Unicode et à l’ISO 10646, Patrick Andries, revue Document numérique, 2002/3 Vol. 6, pages 51 à 88. 

  6. Unicode et typographie : un amour impossible, Yannis Haralambous, revue Document numérique, 2002/3 Vol. 6, pages 105 à 137. 

  7. L’évolution des caractères d’imprimerie du tibétain : anatomie et développement historique des polices d’écriture tibétaines

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par Ysabeau, Benoît Sibaud, Maclag, gouttegd

DLFP - Dépêches

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