Greboca  

Suport technique et veille technologique

Aujourd’hui, les grandes entreprises et administrations publiques hésitent entre continuer à utiliser des logiciels propriétaires ou basculer vers les Logiciels Libres. Pourtant, la plupart des logiciels libres sont capables de bien traiter les données issues des logiciels propriétaire, et parfois avec une meilleur compatibilité.

C’est alors la barrière de la prise en main qui fait peur, et pourtant...

Les logiciels libres

L’aspect « Logiciel Libre » permet une évolution rapide et une plus grande participation des utilisateurs. Les aides et tutoriels foisonnent sur Internet ou sont directement inclus dans le logiciel lui-même.

Enfin, les concepteurs sont plus proches des utilisateurs, ce qui rend les logiciels libres plus agréable à utiliser et conviviaux.

Grâce à la disponibilité des logiciels libres, vous trouverez facilement des services de support techniques et la licence n’est plus un frein à l’utilisation de ces logiciels par votre personnel.

Notre support technique concerne essentiellement les logiciels libres, que ce soit sous forme de services ponctuels ou de tutoriels.

DLFP - Dépêches  -  Où il est question de conservation

 -  Septembre 2023 - 

À l’heure où les jardins regorgent de fruits et légumes (enfin, ceux qui ne subissent pas la sécheresse) et où l’on mitonne à tout-va conserves, confitures et terrines, le chemin de fer Transimpressux reprend les voyages dans le temps et l’espace commencés l’année dernière. Pour cette excursion, nous partirons de Babylone, vers 1750 avant notre ère, nous nous baladerons dans le fort romain de Vindolanda, au nord de l’Angleterre. Nous irons dire bonjour à Nicolas Flamel, nous passerons par le Portugal et la Belgique, par Sablé dans la Sarthe aussi. Sans oublier de faire un tour à Alexandrie et sur la Lune, eh oui, pour terminer à Nancy où nous ferons la connaissance de Fust et Shoeffer, quoique, ça aurait pu être Mayence.

Il s’agira, bien sûr, mais le lecteur ou la lectrice avisée aura déjà compris, de la conservation de l’écriture, de ses problèmes et de ses enjeux.

Le Transimpressux

Sommaire

Préambule

Dans cette dépêche, il ne sera pas question de sauvegarde parce que ce n’est pas l’angle, mais aussi parce que ce sujet a été traité à fond dans la série de journaux de Funix sur le sujet et qu’il serait incongru de traiter en un paragraphe un sujet aussi essentiel. La question des formats ne sera pas vraiment abordée non plus, elle fera l’objet d’une autre dépêche. Et, comme les précédentes, elle s’attache à remettre l’informatique dans le contexte historique de l’histoire de l’écriture.

On trouvera dans la partie « Dans la fabrique de la dépêche » les sources cités (et certaines autres), afin d’éviter les va-et-vient entre le texte et les notes.

De la nécessité et de l’intérêt

L’écriture est un facteur de transmission et de conservation des informations. Ce n’est pas une découverte, mais il convient de rappeler que l’invention de l’écriture est due à plusieurs facteurs, dans le désordre :

  • la transmission de la parole divine, et pas uniquement, avec l’histoire des tables de la loi dans lesquelles un dieu transmet à un prophète - Moïse - sa parole par le biais de tables de pierre gravées ;
  • l’administration des États ou des organismes : l’écriture chinoise aurait été inventée, selon une légende, par un fonctionnaire du nom de Canjie vers 4 500 av. notre ère, et l'on verra plus bas l’exemple « concret » des tablettes de Vindolanda ;
  • la communication et la conservation du corpus législatif et règlementaire : en France par exemple, l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539, faisant du français la langue officielle du droit, est le texte de loi le plus ancien du droit français toujours en vigueur, et elle a été imprimée très tôt ;
  • des fins divinatoires : les plus anciennes traces d’écriture chinoise que l’on ait retrouvé remontent à la dynastie Shang (entre 1570 et 1405 av. notre ère), et servaient de registre des divinations royales ;
  • la nécessité de garder des traces notamment des transactions commerciales, des échanges entre individus (contrats de mariage et autres) ;
  • la communication entre personnes éloignées, ou avec des personnes sourdes et mal-entendantes : ainsi les carnets qui permettaient de converser avec un Beethoven devenu sourd sont des documents fondamentaux sur la vie du compositeur ;
  • etc.

Il s’ensuit donc que, pour toutes ces raisons, la conservation de l’écrit est une question primordiale et que la destruction des traces écrites peut être source de gros problèmes. Quoique, leur conservation peut aussi être source de désagréments, notamment les échanges de courrier. Il n’est pas forcément agréable de retrouver dans les archives les échanges épistolaires sordides concernant les héritages par exemple.

Des difficultés de conservation du papier

Le papier est un support fragile à tel point que, malgré l’utilisation du papier, à l’époque médiévale les tablettes de bois resteront encore utilisées :

surtout dans des abbayes allemandes ainsi que dans des lieux où le papier était considéré comme trop fragile pour être utilisé. Les tablettes de cire conservèrent alors leur atout de support d’écriture solide et d’utilisation facile en toutes circonstances. (Elisabeth Lalou, IRHT)

Le papier (et le papyrus d’ailleurs), plus que les autres supports matériels peut être la proie de bien des avanies qui nuisent à sa conservation.

En 1996 la paléographe médiéviste Maria José de Azevedo Santos exposait dans un article sur les conditions de conservation des actes et des livres au Portugal des XIIe au XVe siècles toutes les calamités qui peuvent affecter les livres et actes de cette période :

Les agents de destruction étaient innombrables : d’abord l’homme lui-même, qui — ainsi qu’en témoigne notre documentation — déchirait, griffonnait, « lavait » les documents à la noix de galle, fragmentait les livres pour les relier […] et pour d’autres fins très variées la guerre, la Nature (avec ses incontrôlables : feux, inondations, séismes), la pollution de diverses origines, les bactéries, les insectes, les rats […] et tant d’autres fléaux.

À cela on ajoutera le fait que des tentatives de restauration ou de conservation des documents qui, à une époque semblaient prometteuses et sans risque, se révèlent calamiteuses dans le temps. Les feuillets et rouleaux du fonds Pelliot (1878–1945) datant du premier millénaire que l’explorateur, philologue et linguiste français avait trouvé dans le bassin du Tarim en Chine en sont une illustration.

Certains des documents étant à l’état de fragments, ils ont été doublés : collés sur un support qui pouvait être de la soie ou du papier, voire, les deux, ce qui pose la qualité de ces supports. La mousseline de soie a été abandonnée dans les années 1970 car elle se dégradait plus vite que le papier qu’elle était censée renforcer. Le papier, quant à lui, pouvant être de qualités diverses. Les encollages pouvant être mal réalisés, entraînant la dégradation des documents qu’ils renforçaient, etc. Il y a eu aussi des périodes où l’on ensachait les documents entre deux feuilles de diacétate de cellulose (du plastique), mais la durée de vie du matériau s’est révélée assez courte. En bref : le remède s’avérait pire que le mal.

Avec l’ère de l’imprimerie on arrive à une autre étape de l’histoire du papier. Les techniques d’impression évoluant, imprimer devient de plus en plus facile et de plus en plus abordable. Les processus de fabrication du papier évoluent aussi, qui vont rendre le papier moins résistant dans le temps. Le début du XIXe siècle voit l’abandon du chiffon au profit de la cellulose des conifères, dont la fibre, défibrée par un râpage à la meule, est moins longue que celle du papier chiffon, et moins résistante. Ceci conjugué avec l’utilisation d’autres substances, la lignine, pour la cohésion des fibres de bois et l’alun-collophane pour l’encollage, rend le papier plus fragile. Et cela se constate assez vite :

en 1898 […] un bibliothécaire de la Library of Congress, John Russell Young, constate une détérioration du papier et demande aux éditeurs de fournir pour les bibliothèques quelques exemplaires sur bon papier, en vain. Pierre Cockshaw et Wim De Vos, Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 1994.

Le problème prend de l’ampleur et est constaté au niveau mondial. Si vous avez fait des recherches dans des services d’archives par exemple, vous l’aurez peut-être constaté.

En 1978, la Bibliothèque nationale (qui ne s’appelait pas encore de France), procède à des sondages dans ses collections, le résultat est consternant.

Documents nécessitant un traitement plus ou moins approfondi :
Cartes et plans : 36 430 feuilles
Estampes et photographies : 2 575 990 feuilles
Livres imprimés : 670 000 volumes
Manuscrits : 13 000 volumes
Musique : 334 000 volumes, 3 770 feuilles
Publications officielles : 22 200 volumes
Arts du spectacle : 23 000 volumes, 3 141 000 feuilles.

Un budget de dix millions de francs (environ 1,5 millions d’euros) par an sur une période de dix à quinze ans est réservé à ce poste. Les documents seront traités dans le tout nouveau centre de conservation et de communication des documents imprimés et manuscrits de la Bibliothèque nationale à Sablé dans la Sarthe.

Les solutions préconisées à l’époque s’orientaient vers le micro-filmage des documents et leur restauration. Mais pas forcément pour tout, compte-tenu de l’importance de la masse à traiter et des coûts d’une opération chronophage et réclamant, qu’il s’agisse du micro-filmage ou de la restauration, des soins particuliers. En 1994 Pierre Cockshaw et Wim De Vos estimaient que les micro-films, dont la longévité estimée va de cent à cinq-cent ans, était :

une étape préalable à tout procédé de lecture optique qui se réalise plus facilement à partir d’un micro-film lisse qu’à partir de la surface rude d’un papier.

À l’époque, en effet, la technologique informatique ne permettait pas d’envisager :

d’absorber la grande masse de documents qui repose dans les bibliothèques (Pierre Cockshaw et Wim De Vos).

En outre, le coût, prohibitif, et la durée des matériels, limitée, étaient un énorme frein.

Cette politique de micro-filmage a été lancée en 1990. Un consortium de bibliothèques se réunit pour créer ce qui deviendra une fondation, l’EROMM (European Register of Microform and Digital Masters) en 1994. Elle aura pour objectif de tenir un registre des micro-formes maîtres afin d’éviter des doublons. Le site est toujours en ligne, mais plus mis à jour depuis 2022.

Histoires d’écrits, histoires de vies

Il a été difficile de résister à donner ces quelques exemples qui mettent en scène une vie « quotidienne » et qui montrent tout ce que nos traces peuvent dire de nous sur des supports matériels différents (mais tous numérisés actuellement). On notera que les fax des années 1980-1990, ou même certaines facturettes de maintenant, vieillissent nettement moins bien, et sont devenus assez vite illisibles.

Réclamation d’un client mésopotamien mécontent, vers 1750 avant notre ère

Cette petite tablette d’argile, 11,6 centimètres de haut sur 5 de large et 2,6 d’épaisseur, qui, semble-t-il, est devenu un mème sur internet (je l’ai découverte grâce à un réseau social). Conservée au British Museum, c’est la première plainte d’un client à un fournisseur qui nous soit parvenue. En l’espèce, l’auteur, Nanni, reproche à son fournisseur de cuivre, Ea-nāṣir, après son refus de prendre le cuivre eu égard la faible qualité des lingots, d’avoir gardé l’argent avec lequel Nanni les avait payés et de l’avoir traité par-dessus la jambe. Il va sans dire que ces échanges avaient été consignés :

sur une tablette scellée gardée dans le temple de Šamaš.

Desquelles tablettes on n’a pas de trace pour autant que je sache.
La plainte de Nanni à Ea-nasir
La tablette de réclamation de Nanni envers son vendeur de cuivre indélicat vers 1750 av. notre ère, conservée au British Museum, photo Zunkir.

Les tablettes de Vindolanda, vers 87

Vindolanda, dans le nord de l’Angleterre, est le site d’un ancien fort romain. La première tablette y a été découverte en 1973. C’était une petite planche de bois de la taille d’une carte postale actuelle. Après cette tablette, plus de 1 800 autres ont été trouvées sur le site, ainsi que de nombreux artefacts. On écrivait sur ces tablettes soit directement à l’encre, soit, sur une couche de cire d’abeille. Il semblerait que les versions (environ 400) avec la cire aient été plutôt réservées aux écrits plus officiels.

Quoiqu’il en soit, c’est une mine d’information sur la gestion d’un camp romain, mais aussi sur la vie quotidienne dans le camp. C’est ainsi que l’on sait que Claudia Severa avait invité la femme du commandant du fort, Sulpicia Lepidina, à une fête d’anniversaire (par contre je ne sais pas si c’est le sien ou celui de quelqu’un d’autre).

Tablette de Vindolanda
Claudia Severa invite Sulpicia Lepidina à une fête d’anniversaire vers 87 av. notre ère. Tablette de Vindolanda écrite à l’encre, photo de Michel Wal.

Nicolas Flamel (entre 1330 et 1340 ― 1418)

Nicolas Flamel et sa femme sont, notamment, des personnages clés, quoique totalement absents, du premier tome des aventures de Harry Potter : Harry Potter à l’école des sorciers. Nicolas Flamel a acquis, assez tardivement et bien après sa mort à Paris, où il a vécu toute sa vie, la réputation d’alchimiste.

Étienne-François Villain, dans son Histoire critique de Nicolas Flamel et de Pernelle sa femme (page 2), un texte basé sur les divers actes et écrits laissés par Nicolas Flamel, signale que ce dernier :

prend dans les actes faits en son nom la qualité de bourgeois de cette capitale : il y ajoute toujours celle d’Ecrivain, & enfin, mais fort tard, on le trouve qualifié Libraire Juré en l’Université de Paris.

Et ajoute :

Quant à Pernelle sa femme, nous ignorons le lieu de sa naissance & quels étaient ses parens : elle pouvoit être née à Paris, ayant une sœur établie dans cette Ville, & s’y étant elle-même mariée deux fois avant que d’épouser Flamel.

La résurgence de Nicolas Flamel dans les mémoires au XVIIIe est due, selon toute probabilité, au fait qu’il existe une documentation plutôt abondante dans les archives de notaires et de tribunaux sur sa personne. Abondance qui pourrait paraître curieuse pour un « simple » bourgeois, écrivain, qui était peut-être chicanier, la famille de sa femme l’a été sans nul doute, et qui était très pieux. Entre l’héritage de son épouse, doublement veuve, et le fruit de son travail, il avait acquis une certaine aisance. Aisance grossie par les tenants de l’hypothèse d’un Flamel alchimiste qui n’ont pas étudié réellement le testament de Nicolas Flamel dont un double figure à la BnF. Et, puisque l’on parle de conservation, il s’agit d’un document (en parchemin) de plusieurs pages avec une reliure en demi-parchemin, taché par endroits mais en plutôt bon état.

Signature figurant sur le testament de Nicolas Flamel
Signature de sans doute pas Nicolas Flamel. À droite, le tampon Bibliothèque impériale, l’actuelle BnF, héritière de celle de Charles V a changé plus d’une fois de nom au cours de son histoire. Le dépôt légal qui constitue une bonne part son fond a été instauré par François 1er en 1537.

D’une manière générale, les archives, de notaire notamment, mais pas que, les actes divers : état-civil, brevets et patentes professionnels, déclarations de création d’entreprises, jugements divers, etc. sont des sources d’informations qui permettent d’en savoir assez long sur une personne. Des sources de plus en plus numérisées.

L’ère informatique

La « dématérialisation » ne signifie pas l’absence de toute matérialité. Et c’est bien le problème. L’accès aux documents informatisés repose sur quatre facteurs :

  • le support de conservation,
  • les matériels, ordinateurs, écrans, etc.,
  • les logiciels qui permettent d’y accéder,
  • les formats des fichiers.

Ce qui fait quatre sources de problèmes pour accéder aux données ainsi conservées.

Au commencement était le papier

Même avec les ordinateurs ! On laissera de côté l’IBM 604 qui faisait saigner les doigts de Marion Créhange. Mais, aux débuts de l’informatique, on dialoguait avec les ordinateurs avec du papier : cartes et bandes perforées pour les programmes et sorties imprimantes pour les résultats. Les premières ont été utilisées jusqu’à la fin du millénaire précédent.

Inutile de dire que les ordinateurs aux premiers temps de l’informatique n’étaient pas vraiment un outil de conservation idéal de l’écriture.

Les premiers ordinateurs avec clavier et écran apparaîtront à la fin de la décennie 1970, de même que le concept d’ordinateur personnel.

Les supports magnétiques et autres supports souples

La souplesse ici, est celle du support lui-même, pas de son contenant.

Le support magnétique, inventé en 1888, a été le premier et est toujours un support utilisé pour stocker les données. Sous forme de bande au début. Ce qui faisait un décor tout trouvé pour les films de science-fiction des années 1970-1990 qui pouvaient montrer des murs de boitiers avec des fenêtres laissant voir les bandes magnétiques en train de tourner.
Bande magnétique
Bande magnétique Bull conservée au musée du CNAM, Paris.

Ensuite, avec l’arrivée des ordinateurs personnels ce sont les cassettes audio qui faisaient travailler l’ordinateur et stockaient les données. Parfois au format standard, Dick Francis dans le polard Le Professeur (1981) met en valeur comme élément clé de l’intrigue une cassette audio qui comporte en fait un programme pour gagner au tiercé, parfois pas. De toute façon, à cette époque chaque marque d’ordinateur avait son système d’exploitation spécifique, inter-opérable avec rien. Les bandes magnétiques ne sont pas un outil idéal pour travailler : on ne peut aller directement d’un endroit à un autre, ce qui rend le processus lent. En revanche, les bandes magnétiques encore maintenant sont un support de sauvegarde très adapté aux grandes quantités de données. Par exemple, la technologie Fujifilm/IBM permet de stocker jusqu’à 500To de données. Mais, évidemment, elles ne sont pas exemptes d’inconvénients.

Très vite, les supports matériels se sont diversifiés, avec l’apparition des disquettes dont la taille diminuera en même temps que croissaient leurs capacités de stockage. Même si, assez vite, elles n’ont pas été considérées comme des supports de stockages suffisants. Pour cela et pour un niveau plus individuel, il y a eu des supports à mi-chemin de la disquette et du disque dur, par exemple les ZIP.

Disque 5 pouces
Vue éclatée d’une disquette 3 pouces 1/2 conservée au musée du CNAM, Paris.

Les autres supports

Les bandes magnétiques ne supportaient pas bien les vibrations ce qui, pour aller sur la Lune, posait problème. Autant dire qu’embarquer un système informatique fonctionnant à base de ce type de support était inenvisageable.

On est en 1969, les disques optiques numériques n’existent pas encore, pas plus, évidemment, que les mémoires SSD. Solution : la mémoire en tore de ferrite. C'est un assemblage de fils qui passaient dans des rondelles métalliques, tissées à la main par des femmes, les LOL, Little Old Ladies.

Mémoire en tore de ferrite
Mémoire en tore de ferrite conservée au musée du CNAM, Paris.

Apparaîtront ensuite, dans les années 1980 les disques optiques numériques (DON) avec leurs variantes : CD, DVD, Blue-Ray etc. Puis les cartes SD, MicroSD et équivalents. Ce sont des supports d’archivages formidables réputés quasiment inusables pour certains. Il reste un léger petit problème : celui des lecteurs et de leur persistance dans les ordinateurs.

Les logiciels et les systèmes d’exploitation

On a un support d’archivage super, du matériel pour le lire. Ça ne suffit pas pour y accéder ! Encore faut-il que l’on dispose des logiciels susceptibles d’ouvrir les formats de documents.

Les débuts de l’informatique sont un cimetière de formats et de systèmes d’exploitation (SE). De systèmes d’exploitation pour commencer : chaque fabricant développait le sien, et rien n’était inter-opérable. Les disquettes de données ne passaient pas d’un SE à un autre. Le bulldozer Microsoft a réussi au moins, en laissant, certes, un champ de ruines derrière lui, à ce que cette situation change. C’est en 1992 par exemple que Microsoft, qui n’avait plus guère de concurrents, s’est rapproché d’Apple, l’idée était que les deux SE puissent se parler. Il y avait eu aussi un fourmillement de logiciels, chacun avec ses propres formats de fichiers. Toujours est-il qu’il y a une immense masse données inexploitable du fait de logiciels « perdus ».

C’est là qu’intervient le projet Software Heritage, lancé en 2015 sous forme d’association à but non lucratif et dont l’ambition

est de collecter, préserver et partager tous les logiciels disponibles publiquement sous forme de code source. Sur cette base, de nombreuses applications pourront en effet être créées, dans des domaines aussi variés que le patrimoine culturel, l’industrie et la recherche.

Le fondateur ? Roberto Di Cosmo, auteur d’un brûlot sur Microsoft et forcément sensibilisé au problème des logiciels privateurs. Aujourd’hui, Software Heritage recense 251 millions de projets et plus de 16 milliards de fichiers de code source uniques. Une tâche pas facile quand on sait qu’en 2018, il y avait 8 500 langages répertoriés.

Qui alimente la base de données ? Tout un chacun ! Le site propose une interface permettant de télécharger les sources.

Alexandrie une bibliothèque numérique construite en -323

Plus précisément, cette bibliothèque égyptienne fût créée sous la dynastie Ptolémaïque, donc entre 330 et 323 avant notre ère. On connaît les grandes lignes de son histoire : elle prospère jusqu’au règne de Ptolémée VIII (182 — 116 av. notre ère) pour ensuite décliner vers -145 et disparaître on ne sait pas exactement quand et probablement pas dans un incendie. Elle aurait pû contenir jusqu’à 500 000 livres.

Tout ça ne nous fait pas une bibliothèque numérique, seulement, éventuellement, un tas de ruines pour les archéologues. En revanche celle construite avec le soutien de l’Unesco et inaugurée en 2002, oui. Elle a été classée première bibliothèque numérique du 21e siècle et contient plus 800 000 livres ainsi que 700 papyrus. Elle propose aussi 600 postes de consultation en ligne. Son fond est à la fois matériel et immatériel. Elle est proposée à l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco.

Et ça permet d’ajouter à cette partie une note plus positive.

L’informatique, la solution ? Oui mais

C’est une solution en effet parce que, on l’a vu plus haut, cela permet d’ouvrir un large accès à des documents écrits, sur quelque support que ce soit, qui peuvent être consultés partout et sauvegardés en x exemplaires. C’est une solution efficace aussi pour les archives personnelles ou d’entreprises. Cela ne fait aucun doute.

Mais ! Outre que les supports informatiques sont sujets à subir quelques-uns des problèmes du papier, incendies, inondations, insectes, ils ont eux-mêmes leurs propres faiblesses. Les supports réputés « inusables » ou « inaltérables » se révèlent plus fragiles que prévu et moins durables. Ils se démodent et finissent par ne plus être utilisables, faute de matériel adéquat pour y accéder. Et, enfin, tout ce qui est en ligne, notamment, est susceptible à un moment d’avoir affaire à diverses attaques informatiques. Dans une société totalement numérisée, la vigilance doit, sur le plan des archives et documents, être constante.

Mais, et là se pose aussi pour les livres, notamment, la question des droits d’auteur. Tant qu’un livre est couvert par le droit d’auteur et s’il n’existe pas en version électronique, il n’est pas possible légalement de le numériser pour le diffuser. Il y a encore des maisons d’éditions qui ne publient pas leurs livres, ou pas tous, dans des formats numériques, PDF ou EPUB. Il ne s’agit pas forcément de « beaux livres » ce qui peut être une bonne raison de ne les avoir que sous forme matérielle. Bien évidemment, les maisons d’éditions n’ont pas forcément numérisé tout leur fond ancien, qui peut avoir été imprimé sur du mauvais papier.

Fust et Schöffer : une police médiévale

Comme les autres dépêches vous ont présenté une police de caractères, il fallait, évidemment qu’il y en ait une dans celle-ci. La police Fust & Schoeffer (le lien ouvre directement sur le téléchargement de la police) a, en outre, le grand mérite de parler de l’histoire de l’imprimerie et de la typographie.

Fust, c’est le financeur, de Gutenberg notamment. Schoeffer, c’est le copiste et calligraphe qui commença comme apprenti dudit Gutenberg. Il l’aidera à mettre sa presse typographique au point. Schoeffer quittera son maître après le procès intenté par Fust à Gutenberg. Il rejoindra Fust qui avait récupéré le matériel de Gutenberg. Il épousera aussi la fille de Fust.

Cette police a été créée par l’Atelier National de Recherches Typographiques de Nancy (ANRT) dans le cadre de son travail de « re-création » des polices médiévales et c’est, évidemment, une police de type gothique. Le romain que nous utilisons actuellement, ne sera créé, par Nicolas Jenson, que vers 1470. Le premier ouvrage de l’imprimerie de Fust et Schoeffer est sorti en 1459.

C’est une police élégante qui ne comporte que les vingt-six lettres de l’alphabet. À utiliser donc surtout pour l’ornement : des titres par exemple.

Fust et Schoeffer

Dans la fabrique de la dépêche

Pour cette dépêche, qui bien que longue est trop succincte, j’ai donc consulté, lu, utilisé et souvent apprécié les sources suivantes citées dans leur ordre d’apparition, ou à peu près, dans le corps de l’article.

Sur l’écriture elle-même

Sur la difficulté de conservation du papier

Les trois exemples

L’informatique

Pour compléter

Cette dépêche prenant des allures de fleuve, il me paraît plus simple et plus efficace de fournir des liens sur ces sujets vitaux que sont la conservation de nos propres documents numériques : fiches de paie, factures, contrats etc. Informations valables pour la France seulement, désolée.

Si vous voulez accéder à toutes les polices de l’ANRT. Ce sont essentiellement des polices médiévales. Outre Fust et Shoeffer (aussi écrit Fust et Shöffer), on trouvera notamment une police « manuscrite », Chaumont script, une Baskerville Italic ou une police d’initiales enluminées, Zainer Initials 45MM. Il y a également plusieurs polices « proto-roman », c’est-à-dire de caractères plus vraiment gothiques (rien à voir l’anglais « gothic », qui, pour une fonte, signifie que les caractères n’ont pas d’empattement) et pas encore comme les types de caractères « romains » que nous utilisons actuellement.

En 2018, j’avais écrit un opuscule Formats ouverts et métrologie qui est une des bases de ma réflexion sur le sujet mais qui mérite d’être un peu revu (pas tant que ça). Il est téléchargeable au format PDF.

Les photos ont été prises au musée du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), à Paris, un lieu fabuleux que je vous recommande très très chaudement. Prenez du temps parce que le musée est grand mais aussi parce qu’on termine par l’ancienne église de Saint-Martin-des-Champs où se trouve le pendule de Foucault et que vous ne voudriez pas manquer l’occasion de voir le pendule faire tomber une des petites chevilles de cuivre qui le parsèment.

Postambule

J’avais prévu de faire une série de dépêches estivales, et bref, celle-ci, qui devrait être suivie par deux autres de la même série, je pense, ne paraît qu’à peu près au moment de la « rentrée ». Il va, en effet, falloir s'attaquer à la question des formats.

Par ailleurs, et c’est une question que je vous pose. La série de journaux de Funix est bien intéressante et bien faite, j’en ai fait un EPUB pour mon usage personnel, donc sans re-travail ni autre. Mais est-ce que cela vous intéresserait que je retravaille cela pour en faire un livre numérique comme je l’avais fait avec Python mais avec une sélection plus importante des commentaires pour ne garder que ceux apportant réellement un complément aux journaux ? J’ai fait des progrès en EPUB et en maîtrise de Sigil depuis.

Également, j’ai passé en EPUB un certain nombre de références pour les lire plus confortablement, notamment les documents du site Persée. Si cela vous intéresse, je peux vous les envoyer en privé.

Oh, et j’espère que ces histoires de tout ce qui ne va pas ne vous ont pas déprimé.

Commentaires : voir le flux Atom ouvrir dans le navigateur

par Ysabeau, L'intendant zonard, Arkem, Pierre Jarillon

DLFP - Dépêches

LinuxFr.org

Proxmox Virtual Environment 8.2 avec assistant d'import VMware disponible

 -  26 avril - 

Proxmox Server Solutions GmbH a publié la version 8.2 de sa plate-forme de virtualisation libre Proxmox Virtual Environment (VE).La solution (...)


Codeberg, la forge en devenir pour les projets libres ?

 -  25 avril - 

Face aux risques que fait peser GitHub sur le monde des logiciels libres suite à son rachat par Microsoft en 2018, une alternative semble avoir (...)


L’informatique sans écran

 -  21 avril - 

Lors d’un Noël de ma tendre jeunesse pré-adolescente est arrivé un « ordinateur » dans le foyer. Ce PC (Intel 386) a été installé dans le bureau et a (...)


Entretien avec GValiente à propos de Butano

 -  16 avril - 

GValiente développe un SDK pour créer des jeux pour la console Game Boy Advance : Butano.Cet entretien revient sur son parcours et les raisons (...)


Nouveautés d'avril 2024 de la communauté Scenari

 -  11 avril - 

Scenari est un ensemble de logiciels open source dédiés à la production collaborative, publication et diffusion de documents multi-support. Vous (...)