Si vous êtes en vacances dans les prochains jours, cela peut être
l'occasion de lire des articles scientifiques riches. Par exemple,
si vous voulez en apprendre davantage sur la robustesse des
connexions Internet face aux coupures de câbles, regardez le cas du
Pakistan dans cet
article (en anglais).
Régulièrement, la question de la vulnérabilité des câbles qui
forment l'infrastructure physique de l'Internet est posée. Souvent,
elle est traitée de manière sensationnaliste (« les russechinoicoréeniraniens vont
couper notre Internet, on ne pourra plus voir Netflix »), par
exemple par des
politiciens qui veulent jouer au chef de temps de guerre. Si
on veut traiter le sujet plus sérieusement, il faut analyser en
détail, et ça prend davantage de temps que de faire un titre
putaclic. C'est ce que font Nowmay Opalinski, Zartash Uzmi et
Frédérick Douzet pour le cas du Pakistan.
Leur
article « The Quest for a Resilient Internet Access
in a Constrained Geopolitical Environment » étudie en
détail la connectivité d'un pays. Combien de câbles vers
l'extérieur ? Par où passent-ils ? (Je vous laisse lire l'article
pour voir leur méthodologie, mais notez qu'il ne suffit pas
d'étudier l'infrastructure physique, leur article décortique aussi
l'infrastructure logicielle.) Cela donne une bonne idée de la
robustesse de la connectivité d'un pays, de ses chances de résister
à des coupures de câble, qu'elles soient volontaires ou
accidentelles (et je rappelle qu'il y a davantage de maladroits que de malveillants).
Si vous regardez la carte, vous pouvez vous dire que le Pakistan
n'a pas trop besoin de câbles sous-marins, il
peut passer par des connexions terrestres avec ses voisins. Mais la
question n'est évidemment pas purement technique, il faut prendre en
question la géopolitique. Pas question de
passer par l'Inde, par exemple. Et, avec
l'Iran, ce n'est pas beaucoup mieux. Il reste
l'Afghanistan… Et il y a même un lien avec
la Chine, avec qui les relations sont bien
plus cordiales, mais, ici, c'est la géographie qui n'est pas
d'accord (le câble, dont l'utilisation n'est pas claire, passe par
un col difficile).
Bref, les connexions internationales du Pakistan passent pour
l'essentiel par des liaisons sous-marines depuis
Karachi, vers des pays plus lointains. Une
panne dans cette région met donc en péril toute la connectivité
extérieure du pays.
Ce ne serait pas trop grave si les Pakistanais·es pouvaient
encore dialoguer entre ielles. Mais, comme dans beaucoup de pays,
les communications, même locales, sont souvent médiées par les
GAFA. Et ceux-ci n'ont
souvent pas d'infrastructure dans le pays, suggérant parfois de
passer par l'Inde, ce qui est évidemment irréaliste vu les
relations
entre les deux pays. Une coupure des liens avec
l'extérieur pourrait donc avoir de sérieuses conséquences. Si on utilisait davantage les
liaisons pair-à-pair et
l'auto-hébergement, il y aurait davantage de
robustesse.
Un exemple (j'ai pris le DNS parce que c'est ce que je connais mais lisez
l'article, il y aura d'autres exemple), l'instance de
Google Public DNS qu'on peut joindre depuis
le Pakistan, vue par les sondes
RIPE Atlas, est aux Émirats, de
l'autre côté du golfe :
% blaeu-resolve --requested 100 --country PK --nameserver 8.8.8.8 \
--nsid --type A lums.edu.pk
Nameserver 8.8.8.8
[110.93.234.24 111.68.103.174 203.135.62.24 NSID: gpdns-fjr;] : 3 occurrences
Test #85285321 done at 2024-12-22T13:48:31Z
(Voir
mon
autre article sur l'utilisation des sondes Atlas. Regardez le
NSID - RFC 5001 de l'instance, qui pointe vers
les
EAU.)
En parlant d'histoire-géographie, notez aussi que l'article met
en évidence que les liaisons intérieures du pays sont très
concentrées dans la vallée de l'Indus. La
technologie moderne utilise la même voie de communication
qu'il y a cinq mille ans.
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