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LinuxFr.org : les journaux  -  Unknown Pleasures : un pulsar iconique

 -  Novembre 2021 - 

Sommaire

Prenant prétexte du portage en Fortran d'un programme en Javascript sous licence MIT générant des figures similaires, je m'en vais vous conter l'histoire d'une icône post-punk, à la frontière de la science et de l'art, où l'on croisera à la fois pulsations métronomiques et épilepsie.

Fortran Unknown Pleasures

Découverte d'un phare céleste

En juillet 1967, Jocelyn Bell, étudiante en thèse à l'université de Cambridge sous la direction d'Antony Hewish 1, découvre un curieux signal se répétant toutes les 1,337 secondes dans les enregistrements du nouveau radio-télescope à la construction duquel elle a participé. Une telle régularité incite évidemment ses découvreurs à envisager la possibilité d'un signal extraterrestre, appelé officieusement LGM-1 (Little Green Men 1). Pour cette raison, la découverte ne sera publiée qu'en 1968, une fois cette hypothèse clairement écartée, et pour cause la découverte de plusieurs sources similaires rendit peu crédible l'idée de civilisations cherchant simultanément à nous signaler leur existence par la même méthode.

Il s'agit de la découverte du premier pulsar (appelé pulsating radio source dans la publication originale) nommé CP 1919, son ascension droite sur la sphère céleste étant de 19 h 19 min. Il s'appelle aujourd'hui PSR B1919+21, sa déclinaison étant de 21°. Sa distance, difficile à mesurer, n'est connue que très grossièrement. Disons qu'il est dans notre coin de galaxie. Imaginez la masse du Soleil, étoile de 2.1030 kg et 1,4 million de km de diamètre, ramenée dans une boule de 10 km ! La matière est dans un état dégénéré, comme si elle formait un noyau atomique géant : c'est une étoile à neutron, issue d'une supernova, comme Fritz Zwicky et Walter Baade l'avait proposé en 1934. Le champ magnétique est titanesque et la rotation rapide de l'étoile provoque aux pôles magnétiques l'émission d'intenses faisceaux radio (dont la compréhension ne semble toujours pas parfaitement établie). Malgré son nom, un pulsar ne pulse pas, mais si l'axe de rotation et l'axe du champ magnétique sont décalés, il balaie l'espace de son faisceau d'ondes radio, comme un phare céleste à la précision extrême : la période de CP 1919 est de 1 337 301 192 269 picosecondes d'après les mesures actuelles. Cette précision et le fait que chaque pulsar a sa propre période avait amené Carl Sagan et Franck Drake à graver la position de la Terre par rapport à 14 pulsars sur les plaques d'aluminium dorées emportées par les sondes Pioneer 10 et 11 lancées en 1972 et 1973, comme des bouteilles à la mer dans l'espace intersidéral.

La découverte des pulsars vaudra le prix Nobel 1974 à Antony Hewish, mais pas à sa doctorante Jocelyn Bell, ce que Fred Hoyle qualifiera de scandale scientifique majeur. La découverte d'un pulsar binaire en 1974 mènera à un autre prix Nobel (1993), la décroissance de sa période démontrant indirectement l'existence d'ondes gravitationnelles emportant l'énergie perdue. Et l'on espère même observer bientôt des fusions de trous noirs supermassifs en observant les signaux d'un grand nombre de pulsars, les très basses fréquences des ondes générées étant indétectables par les observatoires LIGO/VIRGO.

L'art de la visualisation scientifique

Ni la thèse de Jocelyn Bell, ni les articles associés ne contiennent la figure qui nous intéresse. Jen Christiansen, éditrice des visualisations scientifiques dans le magazine Scientific American, remonte à la source et publie en 2015 sur son blog officiel deux articles sur le sujet 2 3. La figure iconique provient de la thèse d'Harold D. Craft Jr 4, étudiant de Frank Drake, qui a travaillé à l'observatoire d'Arecibo à Puerto Rico (dont l'antenne s'est effondrée en décembre 2020). Bien que cette thèse semble introuvable en ligne, on en trouve facilement la figure 5.37 de la page 215, dont la légende est : "Many consecutive pulses from CP 1919. Time increases toward the right and toward the top of the figure". En haut à gauche de la figure, on trouve le nom du pulsar et en haut à droite la fréquence d'observation 318 MHz. En dessous, une échelle temporelle montre que la demi-largeur d'un pulse mesure environ 20 ms.

L'objectif de la figure est de comparer la forme et l'intensité de pulses successifs pour tenter de mettre en évidence des sous-structures. Dans les articles suivant la découverte des premiers pulsars, on trouve déjà des figures disposant verticalement les courbes d'un certain nombre de pulses. Mais ce qui caractérise la figure de H.D. Craft, c'est que ces tracés sont serrés les uns contre les autres, ce qui permet d'en placer 80 sur la même figure. Et pour que les tracés ne se recouvrent pas, le jeune scientifique a rempli en blanc l'aire sous chaque courbe. Cette visualisation a donc été générée à l'aide d'un programme informatique, ce qui est novateur à l'époque. L'ensemble de ces caractéristiques donne à cette visualisation une esthétique particulière, source d'inspiration pour de nombreux scientifiques et artistes.

Les plaisirs inconnus de l'algorithmique

Max Halford, auteur de la version Javascript sur laquelle je me suis basé, explique dans son blog comment il a progressivement mis au point son algorithme. Chacune des 80 lignes est la somme de plusieurs gaussiennes dont les moyennes et écarts-types sont tirés au hasard, avec une distribution uniforme pour les moyennes et une distribution normale pour les écarts-types. Une partie du signal est multipliée par un facteur de bruit, et on y ajoute un bruit de fond. Enfin un lissage de type moyenne mobile est utilisé en faisant intervenir pour 30 % l'ordonnée du point précédent. Il n'y a plus qu'à tracer la ligne en blanc et à remplir en noir ce qui est sous la ligne, avant de passer à la ligne suivante.

Ma version Fortran utilise la bibliothèque gtk-fortran (GTK 4), et en particulier les fonctions de dessin vectoriel de la bibliothèque graphique Cairo. J'ai modifié le réglage de certains paramètres et introduit un facteur d'échelle afin de pouvoir tracer des images de différentes tailles. Le résultat pourrait encore être amélioré en prenant en compte les sous-structures des pulses déjà mises en évidence dans les premiers articles sur CP 1919 (les pics les plus élevés sont plutôt dans la partie gauche du pulse et se décalent progressivement). Au niveau informatique, une sortie en SVG serait intéressante. On pourrait également créer une animation en ajoutant régulièrement une ligne en bas et en utilisant une pile FIFO, ou peut-être en utilisant les possibilités de la procédure random_seed() du Fortran permettant à la fois de récupérer et de fixer la graine du générateur pseudo-aléatoire. Une vue en perspective fait également partie des grands classiques autour de cette icône. Les longues soirées d'hiver seront peut-être l'occasion pour vous d'adapter et d'améliorer l'algorithme dans votre langage favori, ou de tenter une impression 3D.

En cherchant CP 1919 dans une forge telle que GitHub, vous trouverez d'autres dépôts sur le sujet, par exemple une version R qui inclue une version SVG de l'image originale et un fichier CSV contenant les coordonnées des points.

Une icône mancunienne

Au milieu des années 70, de nombreux jeunes impressionnés par les prestations scéniques des Sex Pistols, se lancent dans la musique. C'est ainsi que naît sur la scène de Manchester le groupe Warsaw, bientôt renommé en Joy Division. Le groupe est composé de :

  • Ian Curtis (1956-1980), leader et chanteur charismatique, jeune poète rock 5, cultivé, ambitieux et travailleur, plein d'humour malgré l'image froide et sérieuse véhiculée par le photographe Kevin Cummins, mais bientôt épileptique et dépressif.
  • Stephen Morris, le batteur métronomique.
  • Peter Hook, alias Hooky, bassiste qui s'invente un style haut perché pour se faire entendre malgré la mauvaise qualité de son premier ampli. On peut le qualifier de bassiste lead, son jeu étant souvent plutôt d'ordre mélodique.
  • Bernard Sumner, alias Barney, guitariste et claviériste.

Comme George Martin pour les Beatles, on peut compter le producteur Martin Hannett (1948-1991) comme cinquième membre du groupe, celui qui forgera le son enregistré de Joy Division, à coup de réverbération, de bruitages divers, de techniques d'enregistrement originales, un son distinct du son plus brut, plus punk, de leurs prestations scéniques.

Bernard Sumner trouve la fameuse figure de pulsar dans le Cambridge Encyclopaedia of Astronomy (1977) et l'apporte à Peter Saville, graphiste de Factory Records, alors âgé de 24 ans, afin qu'il l'utilise pour la pochette de leur premier album Unknown Pleasures (1979). La figure de l'encyclopédie est identique à celle de la thèse, traits noirs sur fond blanc, mais sans les inscriptions autour. Peter Saville va inverser le contraste : traits blancs sur fond noir 6 7. A-t-il eu vent d'autres versions telle que celle du Scientific American de janvier 1971 (traits blancs sur fond cyan) ou du numéro Highlights of Astronomy de l'assemblée générale 1970 de l'International Astronomy Union (traits blancs sur fond rouge) ? La recherche documentaire est à l'époque beaucoup plus difficile sans le web et il est probablement plus simple de penser que plusieurs personnes ont pu avoir la même idée, dans l'air du temps 8 9.

Sur la pochette du 33 tours, la figure du pulsar est petite, au centre d'un fond noir sans aucun texte (le nom du groupe et de l'album n'apparaissent qu'au verso) : comme un lointain pulsar dans le noir de l'espace. Elle apparaît également sur les étiquettes centrales du vinyle : en contraste inverse sur la face nommée Outside et en contraste normal sur la face Inside. La figure apparaît beaucoup plus grande sur les affiches de concert. Elle est également disposée à droite de la scène dans cette prestation lors de l'émission Something Else de la BBC diffusée le 15 septembre 1979. Tout ce qui est créé par leur jeune label Factory Records est numéroté. L'album Unknown Pleasures est désigné par FACT 10 et c'est le premier album sorti par Factory Records.

A 23 ans, Ian Curtis met fin à son indécision amoureuse, à la pression qu'il subit en tant que frontman et à une épilepsie de plus en plus envahissante, en se pendant dans sa cuisine à l'aube du dimanche 18 mai 1980, la veille du départ du groupe pour ce qui aurait dû être sa première tournée américaine. Il laisse sa femme Deborah 10, sa fille d'un an Nathalie Curtis, aujourd'hui photographe, Annik Honoré (cofondatrice de Factory Benelux) dont il est amoureux, ses parents et ses trois compères. De façon prémonitoire, le groupe avait choisi des photos du cimetière monumental de Staglieno à Gênes, prises par le photographe méconnu Bernard Pierre Wolff (1930-1985), pour le maxi 45 tours Love Will Tear Us Apart et leur second et dernier album Closer qui sort en juillet. C'est le début de la légende, entretenue par le peu d'appétence du groupe pour les interviews et la communication.

Les trois musiciens orphelins de leur leader se reconfigurent en New Order, avec Gillian Gilbert, petite amie de Stephen Morris. Le nouveau groupe se révélera aussi novateur et influent que le précédent, mais en partant dans la musique électronique après un premier album de transition, Movement, en 1981. On notera que Ian Curtis avait défini qu'avant de monter sur scène Joy Division devait systématiquement écouter l'album Trans-Europe Express de Kraftwerk pour se mettre en condition.

Postérité

Aujourd'hui, New Order continue sa carrière sans Peter Hook qui a quitté le groupe en 2006. Le temps pansant les plaies, le groupe n'hésite plus à jouer les morceaux de cette période lointaine. De même, Peter joue la musique de Joy Division / New Order avec son groupe Peter Hook & The Light fondé en 2010. S'occupant du chant, il est généralement assisté à la basse par son fils Jack Bates, qui participe également aux tournées des Smashing Pumpkins. Sur leur chaîne YouTube, vous trouverez de nombreuses vidéos de leurs concerts, des reprises en mode distanciation sociale, et même dernièrement des versions orchestrées.

En 2019, pour les 40 ans de la sortie d'Unknown Pleasures, des physiciens de l'université de Manchester ont observé CP 1919 avec le radio-télescope de l'observatoire Jodrell Bank, et ont retracé la célèbre figure 11. Leur version en carte de couleurs montre clairement le déplacement en diagonal des pics les plus élevés.

Le 18 mai 2020, pour les 40 ans de la mort de Ian Curtis, Peter Hook & The Light appelle à faire des dons à l'Epilepsy Society en diffusant en ligne le concert So This is Permanent enregistré le 18 mai 2015 dans l'église du Christ de Macclesfield, ville de Stephen Morris et Ian Curtis. Ces trois heures de concert où le groupe joue l'intégralité du catalogue de Joy Division sont également disponibles en DVD et CD, toujours au profit de la même association. Le même jour, côté New Order, Bernard Sumner et Stephen Morris organisent une soirée en ligne Moving Through the Silence avec interviews et hommages musicaux, dont les bénéfices sont en particulier reversés à Manchester Mind, une association caritative pour la santé mentale.

Quant au graphiste Peter Saville (66 ans), il vient en 2021 de revisiter son travail dans le cadre de la campagne NO MUSIC ON A DEAD PLANET avec une émouvante version à l'encéphalogramme plat.

Quand tout sera oublié, CP 1919 continuera de balayer l'espace intersidéral. L'énergie émise ralentira progressivement sa rotation et d'ici quelques dizaines de millions d'années, il cessera d'émettre.

Références et notes


  1. Jocelyn Bell Burnell, The measurement of radio source diameters using a diffraction method, thèse de doctorat, Université de Cambridge (UK), 1969, https://doi.org/10.17863/CAM.4926  

  2. Jen Christiansen, « Pop Culture Pulsar: Origin Story of Joy Division's Unknown Pleasures Album Cover », Scientific American Blog Network, 18 février 2015. 

  3. Jen Christiansen, « Pop Culture Pulsar: The Science Behind Joy Division’s Unknown Pleasures Album Cover », Scientific American Blog Network, 13 octobre 2015. 

  4. Harold D. Craft, Jr, Radio Observations of the Pulse Profiles and Dispersion Measures of Twelve Pulsars, thèse de doctorat, Université de Cornell (USA), septembre 1970. 

  5. Ian Curtis, Deborah Curtis, Jon Savage, So This Is Permanence : Joy Division Lyrics and Notebooks, London: Faber and Faber Limited, 2014, ISBN 978-1-4521-3845-9. 

  6. Matthew Robertson, Factory Records: The Complete Graphic Album, FAC 461, Chronicle Books, 2006, ISBN‎ 978-0811856768. 

  7. Data Visualization, Reinterpreted: The Story of Joy Division's "Unknown Pleasures" Album Cover. Dans cette vidéo de 2012, Peter Saville explique la genèse de l’œuvre.  

  8. Certains citent le livre de Walter Herdeg Graphis Diagrams: The Graphic Visualization of Abstract Data publié en 1974 où l'on trouve la figure avec traits blancs sur fond noir, mais le livre a connu plusieurs éditions dont une quatrième en 1981. Les photos montrant cette page ne mentionnent pas l'édition. 

  9. Le graphiste italien Pino Tovaglia (1923-1977) a utilisé la figure en blanc sur fond écru dans une œuvre sans titre (un rideau) qui serait datée de 1970. En tout cas, il l'a utilisée en noir sur fond blanc sur ces rideaux de 1972. Voilà qui prouve à nouveau l'étonnante fascination qu'a rapidement provoquée en dehors du milieu de la recherche cette représentation scientifique. 

  10. Deborah Curtis, Touching From a Distance - Ian Curtis and Joy Division, London: Faber and Faber Limited, 1995, ISBN 978-0-571-23956-6. 

  11. Patrick Weltevrede, « Joy Division: 40 Years on from “Unknown Pleasures,” Astronomers Revisit the Pulsar from the Iconic Album Cover », The Conversation, 11 juillet 2019. 

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par vmagnin

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